Directive CSRD : uniformisation des règles de reporting extra-financier

L’arrivée de la Corporate Sustainable Reporting Directive (CSRD) marque un tournant pour l’information extra-financière. Cette nouvelle directive intègre notamment le principe de « double matérialité », concept clé dans les règlementations issues du Plan d’action pour la finance durable de l’Union Européenne, et induit l’entrée en vigueur de normes spécifiques au reporting ESG. Ce dernier devrait ainsi se rapprocher du niveau d’exigence du reporting financier. Avec le Plan d’action pour la finance durable lancé en 2018, la Commission européenne souhaite en effet entrer dans une phase de financiarisation de l’extra-financier. Cette volonté passe par le développement de la taxinomie européenne, outil de classification des activités durables ; ainsi que deux dispositifs de transparence, à savoir le règlement Sustainable Finance Disclosure Regulation (SFDR) pour les acteurs financiers et CSRD pour les entreprises. Retour sur les implications et impacts de cette dernière.

 

De la NFRD à la CSRD : quels sont les changements ?

La Non-Financial Reporting Directive, publiée en 2014, puis transposée en droit français par la Déclaration de Performance Extra-Financière en 2017, fixait des obligations de publication d’informations extra-financières aux grandes entreprises de plus de 500 salariés, ayant un bilan supérieur à 20 millions d’euros ou un chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros pour les entreprises cotées ; et ayant un bilan ou un chiffre d’affaires supérieur à 100 millions d’euros pour les entreprises non cotées. En avril 2021, dans le cadre de la lutte contre le greenwashing, la Commission européenne a proposé une révision de cette directive permettant ainsi de simplifier le processus de publication d’informations et d’imposer des normes européennes communes. Cette révision, validée par le Parlement européen cet été, a donné lieu à la Corporate Sustainable Reporting Directe, dite CSRD.

La première conséquence de la CSRD est d’étendre le périmètre d’application. Toutes les entreprises européennes cotées, à l’exception des micro-entreprises, et toutes les sociétés non cotées dépassant au moins deux des trois seuils ( bilan supérieur à 20 millions d’euros, chiffre d’affaires supérieur à 40 millions d’euros, plus de 250 salariés) seront soumises. Le nombre d’entreprises concernées par le reporting extra-financier devrait ainsi passer de 11 000 à près de 50 000 entreprises à travers l’Union Européenne.

Deuxièmement, cette nouvelle directive introduit de nouveaux concepts clés en matière ESG. Tout d’abord, la CSRD reprend le principe de double matérialité, déjà appliqué dans le règlement SFDR et l’inscrit au cœur de l’analyse. Désormais, les entreprises devront fournir des informations sur les risques relatifs à l’environnement sur leurs activités et sur les impacts de leur activité sur l’environnement. C’est cette étude qui définira le plan d’action à mettre en œuvre afin de minimiser les risques extra-financiers mais aussi les incidences négatives de l’activité. En poussant les entreprises à divulguer ces éléments, l’information extra-financière gagnera en qualité auprès de toutes les parties prenantes.

Ensuite, la CSRD obligera la vérification des informations par des tiers indépendants. Le contrôle des organismes tiers indépendant (OTI) doit permettre de renforcer la cohérence et la fiabilité des objectifs de durabilité de l’entreprise, la pertinence des indicateurs retenus et l’impact de ces objectifs sur le volet financier. Le niveau d’assurance requis sera de plus en plus élevé.

Enfin, la mise en œuvre de la CSRD a pour objectif d’accroître la comparabilité des reportings extra-financiers des entreprises européennes, en particulier pour les investisseurs. Cela s’est traduit par la volonté de développer des normes de reporting ESG précises, applicables dans chaque pays.

 

Le développement de normes européenne de reporting : aligner les reporting extra-financiers sur les reporting financiers

Face à l’absence de normes ESG et au problème de fiabilisation de la donnée extra-financière, la Commission européenne a mandaté l’EFRAG (European Financial Reporting Advisory Group) en janvier 2020 pour élaborer des normes de reporting ESG. L’EFRAG a publié les premières versions de normes, nommées ESRS (European Sustainability Reporting Standard), sur plusieurs thématiques : principes généraux et normes transversales, environnement, social et gouvernance.

L’EFRAG a ainsi divulgué un jeu de 13 normes. Deux de ces normes définissent les principes généraux, cinq d’entre-elles portent sur les objectifs environnementaux de la taxinomie européenne, quatre renvoient aux problématiques sociales, deux aux problématiques de gouvernance. A celles-ci s’ajoutent des normes sectorielles, dont une spécifique au secteur immobilier.

Ces normes tiennent compte des cadres existants, à savoir la taxinomie européenne, le règlement SFDR, ainsi que de la législation environnementale (cycle de vie des produits et échange d’émissions). Elles s’inspirent également des normes internationales sur le sujet, par exemple celle induite par le Carbon Disclosure Project. Elles doivent répondre aux caractéristiques d’intelligibilité, de pertinence, de fidélité, de vérifiabilité et de comparabilité.

Les normes ESRS développés par l’EFRAG ont été mises en consultation publique début mai 2022, avec une date de clôture fixée au 08 août 2022. L’objectif est d’assurer la publication définitive en novembre 2022.

Sur la base de ces normes, les entreprises devront publier des informations sur une plateforme digitale commune à tous les pays européens. Cette plateforme permettra d’alimenter le futur point d’accès électronique unique européen ESAP – European Single Access Point. Il permettra aux acteurs d’aligner les informations extra-financières sur les informations financières. Le 29 juin 2022, le Conseil pour l’Europe a arrêté sa position sur le point d’accès unique européen.

 

Calendrier d’application prévisionnel et actualités

Le date du premier reporting a été décalée d’un an. En effet, selon l’accord provisoire, les entreprises soumises à la NFRD, soit les entreprises de plus de 500 salariés, devront appliquer la nouvelle CSRD à partir de janvier 2025 sur l’exercice de 2024. Les autres entreprises (nouvellement assujetties) publieront les informations en 2026 sur l’exercice de 2025.

Les règles de reporting s’appliquent également aux PME cotées, qui disposent toutefois d’une période transitoire, durant laquelle ces dernières auront la possibilité d’appliquer ou non la directive. Le premier reporting des PME cotées est ainsi attendu pour 2027 sur l’exercice 2026, même s’il pourra être repoussé jusqu’en 2029.

Les entreprises non européennes seront également soumises à la CSRD. En effet, toutes les entreprises ayant un chiffre d’affaires net de plus de 150 millions d’euros et exerçant une activité au sein du marché unique européen devront publier un reporting sur leurs impacts ESG.

 

L’arrivée de la CSRD pose un vrai défi aux entreprises. Elles devront publier leurs informations extra-financières, sur la base des normes européennes développées par l’EFRAG, dans leurs rapports annuels et sur une plateforme digitale. Cette publication nécessitera, de la part des sociétés, une prise en main rapide des normes extra-financières et de la plateforme de publication. Cette normalisation attendue du reporting extra-financier devrait apporter une réelle amélioration de la lisibilité et de la comparabilité des informations pour les investisseurs. Elle devrait aussi permettre à ces derniers de se conformer plus facilement à l’exigence qui est la leur, à savoir le Règlement SFDR. Dans ce contexte réglementaire européen dense, les prises de position des régulateurs et les clarifications apportées faciliteront l’application des exigences réglementaires.

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