Des caractéristiques du territoire essentielles dans l’analyse de risque climatique du bâtiment

La morphologie du territoire, les activités anthropiques qui y sont installées, les réseaux et leurs caractéristiques ainsi que des facteurs sociaux, culturels et de gouvernance sont autant de critères territoriaux qui vont un jouer un rôle important dans l’analyse de risque du bâtiment. Ainsi, les acteurs de l’immobilier, dans leurs choix en termes de construction ou d’investissement, vont devoir de plus en plus prendre en compte ces différents aspects ainsi que leurs impacts.

Pour établir une stratégie d’adaptation du bâtiment au changement climatique, la première étape consiste à effectuer un diagnostic de risque climatique, intégrant une analyse d’exposition du bâtiment. Dépendante des aléas et scénarios climatiques, l’exposition du bâtiment est aussi très fortement liée aux vulnérabilités du territoire sur lequel celui-ci est construit. Cet article fait un tour d’horizon des différents enjeux territoriaux à prendre en compte dans le diagnostic d’exposition : des caractéristiques physiques du territoire, activités économiques implantées, organisation des réseaux et infrastructures, aux facteurs sociaux, culturels et de gouvernance, tous les critères qui définissent la vulnérabilité d’un territoire sont à prendre en compte pour l’analyse d’exposition d’un bâtiment.

Les enjeux majeurs à prendre en compte sont organisés dans le tableau ci-dessous :

Enjeux transverses En milieu Littoral En Milieu Urbain
Les caractéristiques physiques du territoire Morphologie et  nature des sols Type de côte et Implantation des bâtiments (submersion marine et érosion) Implantation des bâtiments
L’impact des activités humaines Gestion du sol et de ses ressources (Artificialisation, déforestation, monoculture) Expansion des infrastructures côtières, extraction de granulats Dégagement de chaleur anthropique (véhicules thermiques, équipements), pollution de l’air
Les réseaux et infrastructures Accès aux réseaux Production d’électricité via l’utilisation des cours d’eau Saturation des réseaux d’Assainissements
Facteurs sociaux, culturels et de gouvernance

 

Quelles caractéristiques physiques pour quelles vulnérabilités ?

Selon ses caractéristiques physiques effectives, soit les caractéristiques qui peuvent être observées de prime abord, un territoire sera plus ou moins impacté par le dérèglement climatique. Nous détaillerons ici l’impact de deux caractéristiques majeures : la morphologie et la nature des sols.

Analyser la morphologie du territoire et la nature des sols : une étape cruciale

La morphologie est l’une des caractéristiques déterminantes dans l’analyse de la vulnérabilité territoriale. La morphologie du territoire peut être définie comme l’ensemble des formes que prend celui-ci sous la double influence de :

  • Le site géographique : altitude, relief ;
  • L’histoire de développement : implantation des bâtiments et infrastructures.

La nature des sols et sous-sols peut également être un facteur d’influence concernant la vulnérabilité d’un territoire, notamment avec le risque d’effondrement. Avec le changement climatique, ce risque peut s’aggraver car l’augmentation des fluctuations d’eaux souterraines, due aux évènements climatiques extrêmes (pluies intenses), va compromettre la stabilité des sols, particulièrement, au-dessus de nappes phréatiques ou plus généralement de tout type de cavités souterraines dans lesquelles l’eau pourrait s’immiscer.

En milieu urbain, les îlots de chaleur

Le milieu urbain est l’un des milieux qui nécessitent une étude morphologique approfondie, notamment pour expliquer le phénomène d’îlots de chaleur : un microclimat urbain. L’Îlot de Chaleur Urbain (ICU), est alimenté par les facteurs morphologiques suivants :

  • La hauteur et l’espacement entre les bâtiments: qui conditionne la ventilation dans les rues en bloquant le déplacement de l’air.
  • L’orientation des rues : la ventilation dans la ville dépend aussi de la position des bâtiments par rapport aux vents dominants. Il est préférable que les rues soient orientées en ce sens pour favoriser leur rafraîchissement.

Les rues en canyons sont le reflet exacerbé de cette problématique. Elles se caractérisent par un faible facteur de vue du ciel c’est-à-dire une faible portion du ciel observable en levant la tête depuis le point considéré. Dans ces rues, l’air, la pollution et le rayonnement solaire se retrouvent piégés entre les bâtiments ce qui a pour effet d’augmenter la température locale, et ce du fait d’une impossibilité de ventiler naturellement.

La nature des surfaces contribue également au phénomène d’ICU :

  • L’albedo: Plus la réflectivité des matériaux est élevée, plus les rayonnements sont réfléchis. Ainsi, il n’y a pas d’accumulation de chaleur dans le matériau.
  • La minéralisation du sol : les matériaux minéraux, en comparaison des surfaces végétalisées, favorisent le stockage thermique, qui se traduit par un réchauffement des surfaces, et donc l’air ambiant.

En milieu littoral, l’érosion côtière

Dans le cas des milieux littoraux, le type de côte et l’implantation des bâtiments influent sur les risques de submersion marine et du recul du trait de côte.

Les côtes présentent généralement une évolution très faible dans le cas de falaises ou de côtes rocheuses. A l’inverse, dans le cas de côte d’accumulations sableuses, ce recul est nettement plus observable (37% des valeurs en recul).

Ces différences géographiques et de développement expliquent pourquoi le département de la Gironde est manifestement plus exposé que celui du Finistère.

L’implantation d’infrastructures à proximité du trait de côte est également une source de fragilité puisqu’elle s’accompagne de la destruction des écosystèmes côtiers (zone humides, cordons dunaires, mangroves…) qui agissent comme une barrière naturelle à la montée des eaux.

L’impact des activités humaines sur la vulnérabilité du territoire

En plus des caractéristiques physiques du territoire étudiées à un instant t, des processus dynamiques liées aux activités humaines influent sur la vulnérabilité des territoires.

Les choix territoriaux en termes de transformation du sol et de gestions des ressources sont particulièrement impactant sur la vulnérabilité d’une zone. Ainsi, l’artificialisation des sols, la déforestation, le pompage des nappes, la monoculture et l’élevage intensif sont des activités humaines qui détruisent la biodiversité et perturbent les fonctions écosystémiques qu’elle peut offrir (stockage carbone, évapotranspiration, drainage naturel de l’eau…), ce qui met en danger la résilience des territoires.

En milieu urbain, des activités qui créent de l’inconfort

Dans le cas des milieux urbains, l’inconfort thermique dans les bâtiments est aussi intensifié par :

  • Le dégagement de chaleur anthropique: via l’activité industrielle, les transports ou le recours à la climatisation.
  • Dans certains cas, la pollution de l’air et les nuisances sonores peuvent provoquer une impossibilité de ventiler naturellement l’habitat, à cause d’une gêne trop importante à l’ouverture des fenêtres.

En milieu littoral, une pression anthropique qui accentuent l’érosion

Enfin dans les milieux littoraux ou à proximité de fleuves, la pression anthropique peut accentuer l’érosion et donc la vulnérabilité des bâtiments à la montée des eaux. Cette pression anthropique est souvent exercée par l’expansion de certains aménagements touristiques, mais également les procédés d’extractions de granulats ou la construction de barrages en amont, qui diminuent l’apport sédimentaire et fragilisent les territoires.

Les réseaux, un enjeu de résilience

Lors de l’étude de la vulnérabilité d’un bâtiment, il est essentiel de prendre en compte les infrastructures mises en place pour l’alimenter (en eau, en électricité, gaz, télécommunications), pour traiter les eaux usées et pour le relier au reste du territoire (via les réseaux de transport). Les réseaux sont ainsi, un enjeu pour une résilience fonctionnelle des bâtiments. Ils sont tout comme le reste des infrastructures, susceptibles d’être endommagés par des aléas climatiques. Ils peuvent également être sujets à des impacts plus complexes, comme des effets en cascade, liés aux interactions possibles entre les différentes structures.

En milieu urbain, des réseaux d’eau sursollicités

Un des défis importants en milieu urbain est lié à l’amplification de l’intensité et de la fréquence des épisodes pluvieux et d’inondations. Les réseaux d’assainissements actuels ne sont pas dimensionnés pour faire face à ces aléas, et ceci pourrait entraîner leur saturation. Il y a un risque futur important de contamination des ressources en eaux, si des dispositifs de traitements alternatifs ne sont pas envisagés.

De façon plus générale, la distance entre la source et le point de consommation est directement proportionnelle à la vulnérabilité d’un réseau, d’où l’importance de réfléchir à des stratégies de réduction de cette distance. Pour une meilleure résilience des territoires, des solutions de consommation locale et d’autoconsommation électrique sont à privilégier. Il est également nécessaire de relâcher la pression pesant sur ces systèmes en imaginant des redondances et en diminuant nos consommations.

Les facteurs sociaux, culturels et de gouvernance

La vulnérabilité d’un territoire dépend beaucoup des enjeux sociaux, culturels et de gouvernance.

Les facteurs sociaux impactant la vulnérabilité des habitants est un paramètre clé : les individus peuvent présenter des fragilités intrinsèques à leur condition (âge, état de santé, conditions extérieures comme un accès limité aux ressources sociales, économiques, culturelles, etc.) L’isolement et le fait de vivre dans des logements insalubres ou en dessous du seuil de pauvreté sont des facteurs qui diminuent la capacité d’individus, et donc d’un territoire, à faire face à une catastrophe.

Les ressources culturelles jouent un rôle important dans l’appréhension du risque. Nombre d’occidentaux peu habitués à faire face à des risques climatiques vivent aujourd’hui dans l’illusion d’un monde sécurisé dans lequel la nature ne constitue plus une menace. La conception d’un danger et la préparation à l’arrivée de celui-ci restent moindres, ce qui rend difficile la possibilité la réaction rapide.

Au sein de la gouvernance des territoires, l’enjeu de prise en compte de ces problématiques et de développement d’une stratégie d’adaptation, comprenant notamment une organisation de la préparation et une sensibilisation des populations, est majeur. Il se matérialise dans une gouvernance qui ne peut être menée de façon silotée et doit intégrer une coopération entre les territoires, afin de prendre en compte des risques globaux (à l’échelle de la gestion d’un fleuve, d’un réseau, etc.) Une démarche descendante n’intégrant les populations qu’à la fin des processus de décisions n’est pas adéquate dans un objectif d’amélioration de la résilience d’un territoire. Le choix d’une approche participative pour la gouvernance est plus adapté, car il permet une meilleure intégration des habitants dans leur territoire (ce qui rejoint l’argument du lien social précédemment évoqué) et augmente la capacité des individus à agir sur leur milieu.

Ce travail d’évaluation du diagnostic de la vulnérabilité des territoires et de son influence sur les bâtiments, fera prochainement l’objet de la rédaction de fiches liés aux différents milieux (littoraux, urbains, montagneux, ruraux et à proximité des forêts) ainsi qu’un récapitulatif des facteurs transversaux. Ces fiches, de part une analyse des vulnérabilités des territoires, pourront également servir à pointer les leviers pour améliorer la résilience des territoires.

Article rédigé sous la supervision de Sakina Pen Point.

 

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