Le règlement (UE) 2019/2088, dit SFDR, inscrit dans le Plan de financement de la Croissance Verte de la Commission Européenne, impose aux acteurs des marchés financiers (banques, assurances, sociétés de gestion, conseillers financiers) la « publication d’informations en matière de durabilité dans le secteur des services financiers ».
Ce règlement prévoit une montée en puissance sur les enjeux de transparence du secteur. Si le premier niveau a été mis en œuvre dès mars 2021, le second niveau d’exigence – fixé par les RTS du 20 octobre 2021 – n’entrera finalement en vigueur qu’en 2023.
Qu’est-ce que le règlement SFDR et quelles sont les dispositions applicables aux produits financiers ?
Pour ce règlement, les acteurs doivent communiquer sur leur activité en s’appuyant sur le principe de double matérialité. D’une part, les acteurs doivent évaluer les risques de durabilité, soit les impacts potentiels des évènements ESG externes sur leurs rendements financiers. D’autre part, les acteurs doivent mesurer les externalités négatives de leurs investissements sur les enjeux environnementaux et sociaux, ce qui correspond au « Principle Adverse Impact » (PAI).
Afin de renforcer la lisibilité sur les marchés financiers, le règlement SFDR dresse une classification des produits financiers (ou fonds d’investissements) selon leur niveau de durabilité :
- Les produits article 6 sont ceux qui ne tiennent pas compte des enjeux environnementaux et sociaux ;
- Les produits article 8 sont ceux qui tiennent compte des enjeux environnementaux et sociaux sans en faire un objectif premier ;
- Les produits article 9 qui ont pour objectif l’investissement durable devant l’objectif de rentabilité.
Le règlement SFDR définit des règles de transparence harmonisées pour les acteurs financiers. Ces règles correspondent aux exigences de niveau 1.
Les exigences de niveau 1 pour la transparence
Entrées en application dès le 10 mars 2021, les premières exigences obligent les acteurs à publier sur leurs sites internet, leur politique d’intégration des risques en matière de durabilité et à faire preuve de transparence au niveau de leurs politiques de rémunération. Sur la base du « Comply or Explain », les entités de moins de 500 salariés avaient, jusqu’au 30 juin 2021, la possibilité d’expliquer les raisons pour lesquelles elles ne prenaient pas en compte les principales incidences négatives. Les entreprises de plus de 500 salariés, quant à elles, y sont obligatoirement contraintes.
Les exigences de niveau 2 définit par les RTS du 20 octobre 2021
Le 22 octobre 2021, les Autorités Européennes de Supervision (European Supervisory Authorities – ESA) ont publié le rapport final des Regulatory Technical Standards (RTS). Ces RTS définissent les méthodes de publication extra-financière à suivre par les acteurs des marchés financiers dans le cadre de leur reporting SFDR. Ces RTS remplacent ceux du 4 février 2021, et ont deux visées : la publication du premier reporting PAI et du degré d’alignement de la taxinomie européenne. Les principales incidences négatives (PAI) désignent les impacts négatifs que les décisions d’investissement pourraient avoir sur les facteurs de durabilités.
Les produits financiers articles 8 et 9 devront déclarer avant le 30 décembre 2022 la manière dont ils prennent en compte les principales incidences négatives, c’est-à-dire leurs intentions de reporting en la matière. Cette prise en compte permettra aux entités de publier un premier reporting PAI en juin 2023. Ces RTS précisent également la méthodologie de calcul de l’alignement taxinomique des investissements des fonds dans leurs rapports périodiques et leur documentation précontractuelle.
Toutefois, le calendrier d’application des RTS a été modifié et leur adoption définitive reportée à 2023. Pour cette année 2022, les sociétés de gestion devront donc divulguer la part alignée des fonds sur les critères de la taxinomie sans méthodologie commune. Dans un document partagé en décembre 2021, l’Autorité des Marché Financiers, l’Association Française de la gestion financière et l’ASPIM ont proposé plusieurs méthodes tolérées pour 2022 : la publication d’une part verte de 0%, la fixation d’un objectif de part verte à court terme (deux à trois années) avec un plan d’action détaillé pour l’atteindre, etc. Ces approches « tolérées » devront se conformer aux exigences posées dans les normes techniques réglementaires (RTS) dès leur entrée en vigueur en 2023.
Décalages d’application des RTS : quels sont les raisons et les impacts du décalage d’application ?
John Berrigan, député directeur général de la Commission Européenne, indiquait qu’« en raison de la longueur et des détails techniques de ces 13 normes techniques réglementaires, du délai de soumission à la Commission, et pour faciliter la mise en œuvre harmonieuse de l’acte délégué par les fabricants de produits, les conseillers financiers et les superviseurs, nous reporterions la date d’application de l’acte délégué au 1er janvier 2023 ».
Plusieurs raisons expliquent ces décalages. La Commission souhaite en raison de leur longueur regrouper les RTS dans un unique acte délégué. Ce regroupement a pour but de faciliter la bonne mise en œuvre des exigences de « niveau 2 ». La Commission tient également à éviter un étiquetage massif de produits financiers articles 8 et 9.
Cette année 2022 sera d’autant plus compliquée pour les acteurs avec l’articulation des différents textes tels que la taxinomie européenne et le décret d’application de l’article 29 de la Loi Energie Climat. Effectivement, ce décret impose dès 2022 aux fonds d’investissement et entités financières de plus de 500M d’euros la publication de la part de leurs encours alignés sur la taxinomie ainsi que la part brune des investissements.
Si le décalage répété des RTS a rythmé l’année 2021 pour les acteurs financiers, son report au 1er janvier 2023 laisse aujourd’hui la possibilité aux équipes de s’approprier ces obligations progressivement. En effet, ce décalage d’application offre aux acteurs financiers une plus grande marge de manœuvre dans l’application des exigences des autres règlements tels que les objectifs climatiques et les actes délégués des quatre autres objectifs environnementaux de la taxinomie européenne attendu courant 2022 et le décret d’application de l’article 29 de la Loi Energie Climat. Face à cette complexité et aux différences d’interprétation, le partage de bonnes pratiques et la mutualisation des approches est indispensable.