De la NFRD à la CSRD : vers une standardisation des nouveaux reporting extra-financiers ?

La directive européenne Corporate Sustainability Reporting Directive, dite CSRD, est la nouvelle directive européenne encadrant le reporting extra-financier. Entrée en vigueur le 5 janvier 2023, elle doit permettre d’harmoniser et de standardiser les nouveaux reporting extra-financiers des sociétés assujetties. En élargissant le nombre d’exigences en matière de divulgation d’informations, la CSRD vient complexifier le reporting des acteurs de l’immobilier, impliquant de ce fait l’ensemble des collaborateurs de la chaîne de valeur. Les sociétés devront ainsi s’approprier les principales exigences des normes ESRS (European Sustainability Reporting Standard) pour anticiper ce futur reporting. Quels sont les principaux impacts et implications de cette directive ?

 

Quels sont les impacts de la directive CSRD sur le reporting extra-financier ?

Adoptée le 10 novembre 2022 par la Commission européenne, la CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) doit être transcrite prochainement par les Etats membres dans leurs corpus législatifs nationaux. La directive CSRD remplace la NFRD (Non Financial Reporting Directive), qui définit actuellement le contenu des rapports extra-financiers. La CSRD élargit considérablement le périmètre des entreprises visées. De fait, alors qu’environ 10 000 entreprises sont actuellement soumises à la NFRD, 50 000 entreprises en Europe seront concernées par la CSRD. En effet, dès 2025 les premiers acteurs, initialement soumis à la NFRD, devront publier leurs reporting de durabilité en respectant les standards ESRS (European Sustainable Reporting Standards), futurs actes délégués de la CSRD.

Ces normes s’inscrivent dans un processus de normalisation des reporting extra-financiers. Ces derniers devront être communs à toutes les entreprises assujetties, et donc comparables, à l’instar des états financiers. Cette comparabilité sera facilitée par l’obligation de publier les reporting sous un format numérique harmonisé, qui permettra d’automatiser le traitement des données extra-financières (comme c’est déjà le cas pour les données financières). Ce nouveau format requiert une implication de tous les acteurs de la chaîne de valeur tout au long du processus de reporting. Cela nécessite la mise en place d’une coordination des différentes équipes au sein des sociétés immobilières : équipes RSE, équipes financières, ou encore équipes techniques. Par cette coordination, les sociétés pourront véhiculer des informations fiables et utilisables par tous. La transparence des données transmises par les entreprises est essentielle, car elles seront reprises par un écosystème vaste d’acteurs (sociétés de gestion de portefeuille, assureurs, banques, etc.). Pour cela, la CSRD vise à vérifier la véracité et la cohérence des indicateurs publiés par l’obligation d’un audit par un Organisme Tiers Indépendant (OTI), requérant une assurance limitée pour les premiers exercices puis une assurance raisonnable d’ici quelques années.

 

Comment les sociétés immobilières peuvent-elles anticiper le reporting CSRD ?

La Commission européenne a mandaté l’EFRAG pour harmoniser les nouveaux reporting extra-financiers au moyen de trois types de normes : agnostiques, sectorielles et entités. Le premier set de normes, publié en novembre 2022 et constitué des normes agnostiques (sector-agnostic standards), fixe des exigences de divulgation d’informations et s’appliquent à tous les secteurs économiques sans distinction. Deux standards portent sur des critères généraux (cross-cutting standards), et dix sur des thématiques précises (topical standards). Parmi ces normes thématiques, cinq sont focalisées sur les mêmes objectifs environnementaux que ceux du Règlement Taxinomie (Changement climatique, Pollution, Eau & ressources marines, Biodiversité & écosystèmes et Ressources & économie circulaire) ; quatre traitent des exigences sociales (Effectifs propres, Travailleurs dans la chaîne de valeur, Communautés affectées et Consommateurs & utilisateurs finaux) ; et une détaille les enjeux de gouvernance.

Par exemple, les standards environnementaux (ESRS E1 à E5) demandent à la fois des informations quantitatives et qualitatives. Les exigences de divulgation sont les suivantes :

  • Politiques ou plans de transitions liés à l’enjeu environnemental ;
  • Actions prévues et ressources allouées ;
  • Objectifs et impacts prévus, ainsi que les indicateurs associés ;
  • Répercussions financières potentielles liées aux impacts, risques et opportunités de l’enjeu.

Ce premier set de normes sera complété par des normes spécifiques à chaque secteur d’activité dites normes sectorielles (sector-specific standards). Ces normes ESRS permettront d’obtenir des informations qualitatives et quantitatives comparables entre les entreprises d’un même secteur. Pour le secteur immobilier, les projets de standards sectoriels spécifiques sont prévus pour avril 2024 selon un document de l’EFRAG.

Face à un calendrier dense, les sociétés doivent se préparer à ces nouvelles exigences. Cette préparation, dans ce laps temps, implique de la part des sociétés immobilières, une anticipation de la collecte de données et une appropriation des exigences des normes agnostiques en l’attente des exigences des normes sectorielles. Les acteurs du marché de l’immobilier devront redoubler d’efforts pour se coordonner tout au long de leur chaîne de valeur. Cette coordination implique la mise en place de formations sur les enjeux ESG à l’ensemble des équipes, le déploiement de moyens humains et financiers ainsi que d’un accompagnement dans l’exercice du reporting.

Jusqu’à maintenant, les sociétés immobilières soumises à DPEF devaient reporter uniquement sur quatre grandes catégories d’informations. Elles devaient publier des informations sur les impacts sociaux et sociétaux, environnementaux négatifs et, pour les entités cotées, le respect des droits de l’Homme ainsi que la lutte contre la corruption. Les principaux risques ESG devaient être analysés par la société pour ces quatre catégories d’informations. Pour chaque risque ESG identifié, les sociétés devaient indiquer leurs plans d’actions et leurs résultats via des indicateurs de performance. L’arrivée de la CSRD augmente le nombre d’exigences en matière de divulgation d’informations et vient donc amplifier les dimensions quantitative et financière. Toutefois, les acteurs de l’immobilier, notamment par le biais de dispositifs normatifs comme le GRI ou l’EPRA, avaient déjà quantifié certains enjeux ESG comme l’énergie au moyen des consommations énergétiques par unité de surface ou le carbone en comptabilisant les émissions de GES émises par les consommations énergétiques. D’autres enjeux comme l’eau, la pollution, la biodiversité ou encore l’économie circulaire, peu encadrés par les réglementations, restent toutefois peu harmonisés pour les acteurs de l’immobilier.

 

 

Les acteurs immobiliers doivent anticiper le futur reporting CSRD. Pour mener cet exercice très encadré, il est nécessaire que les acteurs immobiliers s’approprient les premières exigences et anticipent les prochaines. Toutefois, il est certain que ce nouveau reporting consolidé nécessitera que les entreprises concernées structurent leurs moyens et forment leurs collaborateurs à l’exercice du reporting de durabilité, lequel imposera sûrement un travail commun entre les pôles financiers, techniques et RSE. Tout comme la Taxinomie européenne, la CSRD demande ainsi des moyens humains et financiers conséquents. Ces dispositifs mêlent deux univers distincts : financier et extra-financier. Cette nouveauté va impliquer un renforcement des relations entre collaborateurs et le développement de formations sur l’exercice du reporting et les attentes réglementaires.

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