COP15 sur la diversité biologique : les entreprises mises à contribution dans le nouvel accord pour la préservation du vivant

La 15ème réunion de la conférence des parties à la Convention sur la diversité biologique (COP15) s’est tenue du 7 au 19 décembre 2022 à Montréal. En préambule du cadre mondial pour la biodiversité de Kunming- Montréal, adopté à l’issue de ce rassemblement, la conférence des parties s’est déclarée alarmée par « la perte continue de la biodiversité et la menace que cela représente pour la nature et le bien-être humain ».  A raison, puisque le constat de l’effondrement de la biodiversité est sans appel. Pour y faire face, ce nouveau cadre mondial pose notamment quatre objectifs principaux à atteindre d’ici 2050 et 23 cibles intermédiaires pour 2030, dont certaines soulignent le rôle clé des entreprises privées, ou encore des acteurs de la ville.

 

Préserver et restaurer : deux ambitions essentielles

L’Accord de Kunming-Montréal commence par rappeler le contexte qui a conduit les différents pays signataires à prendre un tel engagement en faveur de la biodiversité. Ce contexte peut se résumer à un double constat bien connu et rappelé à l’été 2022 par les dernières publications de l’IPBES : d’une part une 6ème extinction de masse du vivant du fait des activités anthropiques, d’autre part une dépendance fondamentale des sociétés humaines vis-à-vis des espèces sauvages.

A partir de ce constat, les participants de la COP15 ont souhaité tirer les enseignements et identifier les « lacunes » du plan stratégique pour la biodiversité 2011-2020 pour dresser un nouveau cadre à la hauteur des enjeux. Ce nouveau cadre doit « catalyser, permettre et galvaniser une action urgente et transformatrice » pour remédier à l’effondrement de la biodiversité, en mettant l’accent sur l’action et l’impératif de résultat.

Pour cela quatre grands objectifs ont été annoncés :

  • Préservation du vivant : maintenir l’intégrité, la connectivité et la résilience des écosystèmes, mettre un terme à l’extinction d’origine humaine d’espèces menacées, et préserver la diversité génétique des espèces ;
  • Utilisation durable de la biodiversité : utiliser et gérer la biodiversité de manière durable, valoriser et renforcer les contributions de la nature aux populations humaines ;
  • Partage équitable de la valeur : partager équitablement les avantages découlant de l’utilisation des ressources génétiques, pérenniser les connaissances traditionnelles qui y sont liées ;
  • Développement des moyens : déployer les ressources adéquates, notamment financières, et renforcer capacités, la coopération technique et scientifique, ainsi que l’accès aux technologies et leur transfert.

Ces objectifs posent le cadre de la préservation et la restauration du vivant à l’échelle planétaire.

 

Une ambition de résultat – 23 cibles intermédiaires

Afin d’être fidèle à sa volonté de résultats concrets, le nouveau cadre pour la biodiversité précise ses intentions au travers de 23 cibles intermédiaires.

Chaque cible précise les ambitions de ce nouveau cadre pour la biodiversité, en proposant un objectif précis : réduire l’impact du changement climatique sur la biodiversité, assurer l’intégration des enjeux de biodiversité dans les mesures politiques, veiller à la gestion durable des espèces sauvages, etc. Certaines de ces cibles proposent des objectifs chiffrés. C’est le cas de la cible 3, qui vise à protéger et gérer durablement 30% des zones terrestres, des eaux intérieures et des zones côtières d’ici 2030. La cible 2 porte des ambitions similaires pour ce qui est de la restauration, avec un objectif de 30% des écosystèmes dégradés -notion restant à définir –  devant faire l’objet d’une renaturation et d’une restauration effective d’ici 2030.

Il faut cependant mettre ces chiffres en perspective. Selon les données agrégées par le Biodiversity Information System for Europe (BISE), près de 26% du territoire de l’UE est protégé, un chiffre qui monte à 37% pour l’Allemagne. En réalité, l’objectif de 30% de zone terrestre protégée à l’horizon 2030, n’est pas si contraignant pour une partie des pays concernés, et ce d’autant plus que l’efficacité de la protection, n’est, elle, ciblée par aucun objectif chiffré ou précis. C’est pourtant un enjeu sous-jacent fondamental, car si on estimait en mai 2021 que 16,64% des terres et 7,74% des eaux territoriales étaient protégées à l’échelle mondiale, la liste verte de l’UICN, qui recense les zones protégées répondant à des normes de gestion durable et de protection effective, compte moins de 150 entrées.

 

La responsabilité des acteurs privés

Ce nouveau cadre se penche également, au travers de la cible 15, sur le rôle des entreprises et acteurs financiers dans la lutte pour la préservation du vivant. Il s’attend à ce que ceux-ci :

  • Contrôlent, évaluent et divulguent régulièrement et de manière transparente leurs risques, leurs dépendances et leurs impacts sur la biodiversité. Un enjeu essentiel auquel l’OID avait consacré un décryptage en novembre dernier.
  • Fournissent les informations nécessaires aux consommateurs pour promouvoir des modes de consommation durables. Une volonté de transparence susceptible d’accentuer l’implication de l’opinion publique.
  • Rapportent sur le respect des réglementations et mesures relatives à l’accès et au partage des avantages. Un axe visant à responsabiliser le plus possible les acteurs privés afin de les impliquer au mieux dans la lutte contre l’effondrement.

Cet effort visant à minimiser les « impacts négatifs » des entreprises sur la biodiversité est déjà en marche pour les acteurs financiers au travers des exigences de reporting de l’art.29 de la loi Energie-Climat. Cette cible relative au nouveau cadre pour la diversité biologique confirme la tendance : les entreprises doivent d’urgence s’emparer de ces sujets si nous souhaitons effectivement limiter l’effondrement de la biodiversité.

 

Le rôle de l’immobilier

A ce titre, le rôle des entreprises de l’immobilier est fondamental. Premier contributeur de l’artificialisation des sols, pression anthropique majeure sur la biodiversité, l’immobilier doit faire sa mue. La mesure de ses impacts et l’identification des leviers pour les réduire significativement est indispensable. D’après les chiffres 2022 du Baromètre de l’immobilier responsable de l’OID, alors que seulement 2% des investisseurs institutionnels réalisaient une analyse de risques biodiversité en 2022, ils sont 48% à travailler actuellement au développement d’une méthodologie.

Une responsabilité qui concerne d’ailleurs l’ensemble des acteurs de la ville, qui ont manifesté leur volonté de progrès par l’engagement de Montréal : 47 villes ont répondu à l’appel de Valérie Plante, maire de Montréal, et se sont engagées en faveur de la biodiversité. Parmi ces villes se trouvent Londres, Paris, Los Angeles ou Melbourne. Ces villes s’engagent sur des problématiques comme la conservation des milieux naturels existants, l’augmentation des espaces verts et bleus, l’endiguement ou l’éradication des espèces exotiques envahissantes, la conservation et le rétablissement d’espèces vulnérables, l’élimination des déchets plastiques et la réduction de l’utilisation de pesticides des deux tiers au moins. Cet engagement ne comprend cependant pas d’objectifs fixés ou chiffrés. Après une manifestation d’intention tout reste donc à faire, et vite car l’urgence n’a jamais été aussi grande.

 

La COP15 pour la diversité biologique a abouti à un nouveau cadre de préservation et de restauration du vivant pour l’horizon 2030. Ce cadre cependant doit maintenant être accompagné de mesures concrètes et opérationnelles, car l’enjeu de la préservation effective de la biodiversité est essentiel à nos sociétés humaines. Dans cette démarche, l’industrie immobilière a un rôle de premier plan à jouer, autant en limitant les pressions exercées qu’en redéveloppant des milieux et des écosystèmes favorables.

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