Concilier décarbonation et aménagement du territoire : Quels leviers pour les collectivités ?

Les collectivités sont un maillon central de la transition écologique. En effet, elles sont responsables de la planification et de l’aménagement du territoire. Elles peuvent orienter les choix d’utilisation des sols, de développement urbain, de transports, d’infrastructures, etc. En intégrant des critères environnementaux dans ces décisions, les collectivités peuvent favoriser des modes de vie durables et la préservation des ressources naturelles. Retrouvez dans cet article, quelques pistes pour concilier aménagement du territoire et décarbonation.

Planification urbaine durable : Densification et écoquartier

La planification urbaine doit encourager une utilisation plus efficace de l’espace en favorisant la densification des zones déjà urbanisées. Cela permet de réduire l’étalement urbain et les émissions de CO2 liées aux transports. Il est également essentiel de zoner les territoires de manière à favoriser les synergies entre les bâtiments résidentiels, commerciaux et les services publics, facilitant ainsi l’utilisation des énergies renouvelables (notamment au travers de projets d’autoconsommation étendue) et des réseaux de chaleur. Par ailleurs, les collectivités peuvent encourager la mixité fonctionnelle en favorisant la cohabitation harmonieuse des différentes activités (résidentielles, commerciales, industrielles) au sein d’une même zone. Cela réduit les besoins de déplacement motorisé, favorise les modes de vie durables et facilite l’accès aux services de proximité.

En termes de documents, les collectivités peuvent s’appuyer sur les Plans Climat-Air-Energie Territoriaux, obligatoires qui définissent des objectifs de décarbonation des bâtiments tertiaires et résidentiels du territoire. Le plan d’actions peut prévoir l’élaboration de recommandations pour la prise en compte des enjeux Climat-Energie dans les projets d’aménagement, l’accompagnement des acteurs économiques sur ces thématiques ainsi que la mobilisation des acteurs locaux afin d’engager des démarches collectives de décarbonation. A noter que le Plan Local d’Urbanisme, principal document sur l’aménagement du territoire, est un outil clef. Il peut inciter voire obliger à mener des actions de décarbonation pour les constructions et en cas de rénovation. Certaines collectivités portent des démarches ambitieuses de transition collective, telles que la COP21 de la Métropole Rouen Normandie ou la Grande Alliance pour le Climat de Strasbourg.

Les collectivités peuvent également promouvoir le développement de quartiers durables en mettant l’accent sur la conception urbaine, l’efficacité énergétique des bâtiments, l’utilisation de matériaux durables, la gestion des déchets, l’accès aux transports en commun, la création d’espaces verts, etc. Ces quartiers offrent un environnement de vie plus sain, réduisent l’empreinte écologique et favorisent la cohésion sociale.

Le quartier de La Confluence à Lyon permet d’illustrer cette démarche. Les bâtiments du quartier de Confluence sont conçus avec une haute performance énergétique. Ils intègrent des techniques et des matériaux durables pour assurer une isolation thermique efficace, une utilisation optimisée de l’énergie et le recours aux énergies renouvelables. Ce quartier inclut également des dispositifs de gestion durable des ressources. Par exemple, la récupération des eaux de pluie est mise en place pour l’arrosage des espaces verts et le nettoyage des voiries. La mixité fonctionnelle est également privilégiée en intégrant des espaces résidentiels, des bureaux, des commerces, des équipements culturels et des espaces publics conviviaux. Cela réduit les déplacements quotidiens, renforce le tissu social et contribue à la vitalité économique du quartier.

Incitations financières pour la transition écologique

Les collectivités peuvent mettre en place des incitations financières pour encourager les propriétaires, les promoteurs et les entreprises à adopter des pratiques d’aménagement durable. Cela peut prendre la forme de subventions, d’exonérations fiscales, de prêts à taux réduits ou de programmes de certification environnementale. Ces incitations facilitent la transition vers des pratiques durables en atténuant certains des coûts initiaux associés à ces projets.

A ce propos, La ville de Paris a mis en place le dispositif « Paris Rénov+ », qui vise à encourager la rénovation énergétique des logements par le biais de subventions et de prêts bonifiés. Ce dispositif s’adresse aux propriétaires occupants, aux propriétaires bailleurs et aux copropriétés de la ville. Le programme offre aux bénéficiaires des subventions pouvant couvrir jusqu’à 20 % du coût total des travaux de rénovation énergétique. Les montants des subventions varient en fonction de la nature des travaux réalisés, de l’ampleur des améliorations énergétiques obtenues et du niveau de revenu des ménages concernés. En plus des subventions, le dispositif propose des prêts bonifiés avec des taux d’intérêt réduits pour faciliter le financement des projets de rénovation énergétique. Ces prêts sont accordés par des partenaires financiers en collaboration avec la ville de Paris.

Décarboner les transports

L’aménagement du territoire doit intégrer des infrastructures de transport durables et favoriser des modes de déplacement à faible émission de carbone, tels que les transports en commun, le vélo et la marche à pied. Du côté des acteurs de l’immobilier, la localisation des bâtiments doit être pensée en fonction de l’accessibilité aux transports en commun et des services de proximité, réduisant ainsi les besoins de déplacements motorisés.

Pour illustrer cette question, reprenons l’exemple de Lyon. La municipalité porte une démarche de décarbonation de ses transports. Elle agit d’abord sur ses propres outils de mobilité interne en prônant les vélos, en verdissant la flotte automobile, en appliquant le forfait mobilité durable. Elle a aussi une action qui repose sur deux principes :

  • Le premier principe est la ville du quart d’heure : viser à avoir la possibilité pour tout habitant d’accéder à pied en quinze minutes à tous les services, école, poste, commerce ou station de transport en commun.
  • Le deuxième principe est celui des quatre priorités d’aménagement de l’espace urbain :
    • Les piétons ; les flux de piétons doivent pouvoir trouver des espaces larges sécurisés, ombragés.
    • Les cycles. La métropole porte par exemple le projet de douze voies lyonnaises et à ajouter des arceaux, y compris pour les vélos cargos.
    • Les transports en commun, comment faire en sorte qu’il y ait les infrastructures nécessaires pour les métros, pour les bus, les trolleys.
    • La voiture, elle, peut être nécessaire pour certains déplacements. Ceux-ci doivent cependant se faire de manière sécurisée, c’est ce que promet la ville de Lyon au travers du dispositif de la ville à trente (30 km/h de vitesse maximale autorisée). Une attention doit également être portée sur la décarbonation des flux de logistique urbaine (livraison, évacuation des déchets, etc.). La ville de Lyon porte plusieurs démarches comme l’incitation de la logistique à vélo, l’usage des fleuves…

Le dernier point est celui de la réduction du stationnement dans les espaces publics mais également dans les espaces privés où la ville de Lyon sera moins exigeante sur les opérations immobilières pour la réalisation des places de stationnement afin d’être dans une logique de sobriété dans l’utilisation du véhicule individuel.

Favoriser la biodiversité

Les collectivités peuvent adopter des politiques visant à protéger les espaces naturels et agricoles de leur territoire. Cela peut inclure la création de réserves naturelles, la mise en place de zones agricoles préservées, la limitation de l’urbanisation excessive des zones sensibles sur le plan environnemental, etc. Ces mesures contribuent à préserver la biodiversité, à protéger les ressources naturelles et à promouvoir une agriculture durable.

La création d’espaces verts est également un élément clé des leviers à la disposition des collectivités. Elles peuvent planifier l’aménagement d’espaces publics, de parcs et de jardins, offrant ainsi des lieux de détente, de loisirs et de rencontre pour les habitants. Ces espaces verts contribuent à la qualité de vie, à la santé mentale et physique des résidents, tout en favorisant la biodiversité et en améliorant la qualité de l’air.

Gestion des déchets

La gestion des déchets est également un enjeu important. Les collectivités peuvent mettre en place des infrastructures de tri, de recyclage et de compostage, tout en favorisant la réduction des déchets à la source. En promouvant des pratiques de gestion des déchets durables, ces quartiers contribuent à la préservation des ressources naturelles et à la réduction des impacts environnementaux.

La métropole de Nantes a ainsi mis en place un programme ambitieux pour promouvoir la gestion des déchets durables. Des actions telles que la collecte sélective, le compostage, la sensibilisation et l’éducation, ainsi que la promotion de l’économie circulaire ont été mises en œuvre. La collecte sélective des déchets recyclables a été généralisée dans toute la métropole, encourageant ainsi le recyclage et la valorisation des déchets. Le compostage individuel et collectif des déchets organiques est également encouragé. Des campagnes de sensibilisation et d’éducation sont menées pour informer les habitants sur les bonnes pratiques en matière de gestion des déchets. En soutenant les initiatives locales de réutilisation, de réparation et de recyclage des déchets, la collectivité promeut l’économie circulaire. Ces actions visent à réduire la production de déchets, à augmenter le recyclage et la valorisation des matériaux, et à sensibiliser les habitants aux enjeux environnementaux. Ainsi, la métropole de Nantes contribue à préserver les ressources naturelles et à réduire l’impact environnemental lié à la gestion des déchets.

En prenant ces mesures, les collectivités peuvent jouer un rôle clé dans la promotion d’un aménagement du territoire plus durable, favorisant ainsi la création de communautés résilientes, respectueuses de l’environnement et offrant une meilleure qualité de vie à leurs habitants. La collaboration entre collectivités et acteurs de l’immobilier peut permettre de créer des territoires qui offrent une meilleure qualité de vie aux habitants. En travaillant ensemble, ils peuvent concevoir des projets immobiliers qui intègrent des espaces verts, des infrastructures de transport durables, des services de proximité, etc. Ces initiatives contribuent à créer des environnements urbains agréables, favorisent la santé et le bien-être des résidents, renforcent le lien social et améliorent la satisfaction des habitants vis-à-vis de leur territoire. Elles permettent également de façonner une image positive du territoire, renforcent sa réputation et favorisent son développement économique à long terme.

L’équipe de l’Observatoire de l’Immobilier Durable remercie Philippe Huthwohl – Directeur général adjoint Urbanisme-Immobilier-Travaux à la Ville de Lyon – pour son témoignage sur la ville de Lyon. Retrouvez ce témoignage et bien d’autres encore dans le MOOC Bâtiments et changement climatique : Quelles stratégies d’atténuation ?. La deuxième session débutera en novembre, restez à l’écoute pour le lien d’inscription !

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