Dans le cadre de sa plateforme cartographique d’analyse de résilience R4RE, l’Observatoire de l’Immobilier durable propose un modèle de vulnérabilité d’un bâtiment aux vagues de chaleur. Les paramètres d’orientation du bâtiment, d’isolation, de systèmes de refroidissement et de ratios de surfaces vitrées ont été soumis à des scénarios de climats sévérisés, afin de l’efficacité des actions adaptatives à mettre en place.
Pour aboutir aux résultats présentés dans cet article, l’OID s’est appuyé sur le programme de recherche Inclibâti. Ce programme a été mené en collaboration avec TIPEE, une plateforme technologique spécialisée dans le bâtiment durable et TERAO, bureau d’études et d’ingénierie pour la ville et le bâtiment durable. La production de fichiers météorologiques actuels et sévérisés suivi de la réalisation de simulations thermiques dynamiques sur des actifs tertiaires identifiés comme caractéristiques du marché, ont permis de mieux appréhender les interactions entre vagues de chaleur et bâtiments de bureaux.
La première étape de ce travail a été la production de données météorologiques spécifiques pour 5 villes françaises, actuelles et à 2050, dans un contexte urbain et péri-urbain et pour le scénario 8.5 (correspondant au scénario climatique du GIEC en absence de réduction des émissions de GES dit tendanciel). Pour la ville de Paris, des fichiers complémentaires ont été générés pour prendre en compte des horizons à court (2030) et long termes (2090), ainsi que les scénarios du GIEC dit ambitieux (2.6) et intermédiaire (4.5). Cette étape a été réalisé par l’organisme TIPEE.
A la suite, le bureau d’étude TERAO a produit des simulations thermiques dynamiques sur un bâtiment de bureau de 6 étages, en y intégrant les variantes suivantes :
- Bureau ancien non rénové (Haussmannien)
- Bureau RT2012
- Bureau RE2020
- Bureau rénové aux standards BBC Effinergie rénovation
- Bureaux climatisés et non climatisés.
Ces typologies se distinguent par plusieurs variables comme la couleur de façades et de toitures, le ratio de surface vitrée, le type d’isolation, le type de ventilation naturelle ou encore le type de production frigorique. Ces simulations rendent compte de l’influence des propriétés du bâtiment sur le nombre d’heure d’inconfort (qui modélise la durée et l’intensité des périodes de trop forte chaleur dans le bâtiment), la consommation frigorifique (en MWh) et l’appel de puissance froide (en kW) tout en tenant compte de la sévérisation des fichiers climatiques.
L’orientation, un paramètre peu déterminant en milieu contraint
Privilégier une orientation nord-sud à une orientation est-ouest permet de réduire les consommations frigorifiques ainsi que l’appel de puissance. L’impact de ce paramètre est cependant à nuancer. Dans le cas de constructions en milieu urbain, les masques environnants limitent l’influence de ce paramètre en obstruant les apports lumineux. Les deux simulations répertoriées dans la figure ci-dessus, témoignent de ce phénomène en présentant des écarts de consommation faible. Sur ce graphe, il est également possible d’observer que pour la ville d’Avignon l’orientation est-ouest paraît plus avantageuse. La température moyenne d’air reste toutefois plus élevée en orientation Est/ouest.
Isolation et heures d’inconfort : le piège de l’ITI
L’isolation par l’extérieur est toujours plus efficace qu’une isolation par l’intérieur ou que l’absence d’isolation pour le confort d’été du fait de l’inertie thermique qu’elle apporte. La comparaison effectuée ici porte sur la différence entre des bureaux Haussmanniens non rénovés et des bureaux Haussmanniens rénovés via notamment une isolation par l’intérieur.
Si pour l’étude des fichiers météorologiques actuelles l’isolation par l’intérieur permet, pour Bordeaux, Nancy, Rennes et Paris, de réduire les heures d’inconfort, le graphique indique que pour des villes du sud comme Avignon la tendance est à l’inverse. Dans les villes à tendance chaude, l’inertie thermique est à privilégier.
A l’étude de fichier météorologique sévérisé la tendance observée à Avignon se généralise.
Ainsi, l’ajout d’isolation intérieure n’est plus performant pour assurer le confort d’été à 2050 pour le scénario tendanciel dans toutes les villes étudiées ici. Ceci implique un réajustement de nos façons de rénover et un assouplissement des normes liés aux bâtiments classés dont les bâtiments haussmanniens font souvent partis et qui empêchent les travaux qui modifieraient la façade.
Les systèmes de refroidissement, comment choisir ?
Parmi les 2 systèmes de climatisations étudiés, la PAC sur géothermie est moins sensible aux variations de température de l’air et est plus économe énergétiquement. Le type de système est le seul paramètre étudié dont l’écart reste similaire quelque soit la typologie de bâtiment.
Les simulations effectuées sur l’appel de puissance témoignent des limites du choix d’un groupe froid pour rafraîchir un bâtiment. En périodes caniculaires, qui seront amenées à s’amplifier tant en intensité qu’en fréquence avec le changement climatique, les groupes froids tels qu’ils sont dimensionnés aujourd’hui, sont poussés à leur limite de fonctionnement. En témoigne, l’explosion des interventions des entreprises de dépannages en période de fortes chaleurs observée par exemple en 2019[1].
Concernant la CTA adiabatique versus aucun système, le rafraichissement adiabatique permet sans surprise de réduire le nombre d’heure d’inconfort en fonction de la zone climatique. L’écart tend toutefois à diminuer avec des fichiers climatiques sévérisés. L’installation d’une CTA adiabatique dans un bâtiment performant (type RE2020) semble suffire pour respecter des seuils d’heures d’inconfort inférieur à ceux prescrits dans la nouvelle réglementation thermique.
Le ratio de surfaces vitrées, la caractéristique du bâtiment la plus impactante
La consommation frigorifique va augmenter avec l’élévation de surface vitrée, quelque soit la typologie de bâtiment, la zone géographique et l’année de sévérisation. On note toutefois un impact plus modéré pour les bâtiments récents dont les vitrages sont plus performants. Ce paramètre est celui dont l’influence reste la plus constante dans le temps. Il s’agit de l’action adaptative la plus stable, réduire la surface vitrée dans un bâtiment est une action d’adaptation sans regret et donc à mettre en place sans attendre (en cohérence avec les besoins d’éclairage).
Quelque soit l’option d’adaptation du bâtiment pris en compte, son impact diminue avec la sévérisation du climat. Il existe un horizon temporel pour lequel les actions d’adaptation n’auront plus aucun effet. Il est impératif de réduire nos émissions de CO2 dès aujourd’hui et ce également en choisissant une stratégie d’adaptation au changement climatique sobre en ressource et en énergie. Dans ce cadre, les options de rafraîchissement naturel gagneraient fortement à être popularisées pour éviter l’écueil de la maladaptation par le tout climatisation.
Les résultats au complet du projet de recherche IncliBati seront publiés dans une synthèse disponible fin 2022 sur Taloen.
[1] Source : https://www.lemoniteur.fr/article/la-canicule-donne-des-sueurs-froides-aux-frigoristes.2047370#!