Décret tertiaire : les données OPERAT livrent leurs premiers enseignements

L’ADEME, en collaboration avec l’OID et le Ministère de la Transition écologique et de la cohésion des Territoires, publie les résultats de la première analyse des données déclarées par les assujettis au décret tertiaire. L’étude, portant sur plus de 740 000 déclarations représentant 46% de la surface du parc tertiaire français, livre ses premiers enseignements : connaissance améliorée du poids des différentes catégories d’activité, indicateurs de consommation énergétique annuels, baisse de la consommation par rapport à la période de référence L’analyse effectuée laisse entrevoir des écarts par rapport aux résultats du Baromètre de l’OID ; des pistes d’explication et des axes d’amélioration sont proposés.

Le décret tertiaire : un long chemin parcouru

En préparation depuis le Grenelle de l’Environnement (2007-2009), concrétisé par la loi ELAN (2018) puis mis en application par la publication du décret tertiaire (2019), le Dispositif Eco Energie Tertiaire (DEET) encadre les objectifs de réduction de la consommation énergétique du parc tertiaire, représentant aujourd’hui 17% de la consommation d’énergie finale française. Plus précisément, il impose aux bâtiments tertiaires de plus de 1 000 m² de réduire leur consommation de 40 % d’ici 2030, 50 % d’ici 2040 et 60 % d’ici 2050, par rapport à une année de référence comprise entre 2010 et 2019.

Le pilotage du DEET est assuré par la Direction Générale de l’Aménagement, du Logement et de la Nature (DGALN) du Ministère de la Transition écologique et de la Cohésion des territoires. L’Agence de la transition écologique (ADEME) assure quant à elle le développement de la plateforme OPERAT (Observatoire de la Performance Energétique de la Rénovation et des Actions du Tertiaire) sur laquelle les acteurs assujettis sont tenus de déclarer les consommations de leurs bâtiments.

La première échéance déclarative était fixée au 30 septembre 2022 et, au 31 janvier 2024, la base de données OPERAT comptait 740 000 déclarations réparties sur 4 années de consommation (année de référence, 2020, 2021, 2022), représentant 46% de la surface totale du parc tertiaire. Cette base de données doit à terme pouvoir fournir au secteur tertiaire des indicateurs de consommation énergétique précis, calculés sur une base de données exhaustive représentative de la diversité du parc, et à un niveau de granularité fin, en témoignent les très nombreuses catégories et sous-catégories d’activité définies.

Vers une meilleure qualification de la consommation du parc tertiaire

A l’origine, lors de la publication de la loi Grenelle II en 2010 qui imposait au secteur immobilier (résidentiel et tertiaire) de réduire de 38% ses consommations énergétiques, aucun élément chiffré permettant de servir de référence n’existait. C’est pourquoi sept acteurs de l’immobilier ont décidé de mettre les données techniques et environnementales de leur patrimoine en commun au sein de l’Observatoire de l’Immobilier Durable (OID) afin de pouvoir calculer des indicateurs de référence pour le marché tertiaire.

Ainsi, depuis 2012, l’OID publie tous les ans le Baromètre de la performance énergétique et environnementale des bâtiments (BPE), qui fournit au secteur des indicateurs de consommation d’énergie et d’émissions de gaz à effet de serre notamment, mais également des indicateurs de consommation d’eau et de production de déchets, pour différentes typologies de bâtiments (bureaux, commerces, santé, hôtels…). En 2023, la base de données de l’OID comptait plus de 27 900 bâtiments représentant 91 millions de m².

Fort de cette expérience, l’OID accompagne l’ADEME depuis 2018 dans le développement de la plateforme OPERAT et la DGALN dans la mise en application du décret tertiaire. L’OID a notamment travaillé sur les spécifications techniques de la plateforme, s’assurant de la concordance des développements avec les aspects réglementaires en constante évolution. L’OID était également un des co-pilotes du groupe de travail chargé de réfléchir aux valeurs absolues pour les bâtiments de bureaux, avec l’Association des Directeurs Immobiliers (ADI) et l’Institut Français pour la Performance du Bâtiment (IFPEB). Enfin, l’OID a organisé plusieurs concertations auprès de ses membres, axées sur les aspects de sensibilisation, de communication autour du projet réglementaire et de la première remontée de données.

En 2023, l’OID a été missionné par l’ADEME pour produire une première analyse des données brutes déclarées sur OPERAT. S’appuyant sur les travaux effectués dans le cadre du BPE, l’OID a élaboré une méthodologie d’analyse et de fiabilisation des données de consommation énergétique.

Plus particulièrement, cette méthodologie consiste à calculer pour chaque déclaration un score de fiabilité permettant de filtrer celles considérées comme incomplètes ou erronées. Les différents critères de sélection, permettant par exemple d’exclure certaines consommations d’énergie considérées comme anormalement faibles ou élevées, et propres à chaque catégorie d’activité, peuvent être ajustés en fonction du niveau d’exigence requis.

Les principaux enseignements de l’étude

En raisonnant à partir des surfaces déclarées pour l’année 2021, les estimations font état d’un taux de remplissage de 57 % du parc assujetti au décret tertiaire (996 millions de m²), et de 46% du parc tertiaire total, incluant les surfaces tertiaires inférieures à 1 000 m² (1 233 millions de m²).

La catégorie « Commerce alimentaire » contient les grandes surfaces alimentaires et les commerces de détail alimentaires. La catégorie « Commerce autre » contient les grandes surfaces spécialisées, les grandes surfaces de bricolage et les autres commerces et services de détail non alimentaires. La catégorie « Autres » contient toutes les autres catégories définies dans l’étude (Hôtels, Restauration, Sport, Transports, Culture, Stationnement…).

L’analyse de cette base de données conséquente nous renseigne sur les catégories d’activité les plus représentés (en surface comme en consommation d’énergie). Il ressort que les catégories bureaux, logistique, enseignement, santé et commerces représentent à elles seules plus des trois quarts des surfaces (77%) et des consommations (76%) déclarées.

Par ailleurs, l’étude nous renseigne sur l’évolution de de la consommation totale (en TWh PCI) du parc déclaré : entre la période de référence et 2022, la consommation a baissé de 22%. Entre 2021 et 2022, année marquée par une flambée des prix de l’énergie mais également un climat plus doux que la moyenne, une baisse de 6% a été observée. La correction des variations climatiques, une fois la méthode réglementaire (publiée le 12 juillet 2024) implémentée, devrait permettre d’éclairer cette évolution.

Enfin, des ratios de consommation surfaciques moyens sont calculés, afin de représenter la consommation d’un bâtiment typique de sa catégorie, et son évolution au cours du temps (une distribution plus précise autour de ces moyennes est donnée dans l’étude).

Ceux-ci confirment certaines tendances observées dans le BPE : un rebond de consommation en 2021 suite aux confinements de 2020 suivi d’une nette baisse en 2022, année marquée par l’envolée des prix de l’énergie et un hiver particulièrement doux. A noter que les hôtels, particulièrement impactés par la crise sanitaire, observent quant à eux une hausse de leur consommation en 2022. C’est également le cas des commerces non alimentaires, quoique dans une moindre mesure. Enfin, les commerces alimentaires, moins impactés par la crise, affichent une consommation stable entre 2020 et 2022.

Les ratios de consommations sont calculés sur les déclarations couvrant une année complète et dont la catégorie d’activité majoritaire représente plus de 90% de la surface totale de l’entité fonctionnelle assujettie (EFA). La période de référence (REF) contient plusieurs années de consommation, entre 2010 et 2019, parmi lesquelles les années 2017, 2018 et 2019 représentent 51% des déclarations.

Comment les résultats obtenus se comparent-ils à ceux du BPE ?

Le tableau ci-dessous compare la consommation surfacique moyenne sur l’année 2022 et l’évolution par rapport à 2021 obtenues dans l’étude à celles calculées sur la base de données du BPE de l’OID, pour 4 catégories d’activité.

Données BPE1Données BPE1Données OPERATDonnées OPERAT
Consommation finale 2022 (kWh/m².an)Evolution par rapport à 2021Consommation finale 2022 (kWh/m².an)Evolution par rapport à 2021
Bureaux139-6%108-11%
Santé189-1%174-7%
Hôtels168+5%175+5%
Commerces167+1%1882-3%2
1 Les chiffres présentés ici sont calculés sur les données de consommation annuelle, et non sur les trois dernières années comme c’est le cas dans le BPE 2023, afin de pouvoir les comparer aux résultats de l’étude.
2 Inclut les catégories « Commerce alimentaire », « Commerce autre » et « Parties communes centres commerciaux« .

Malgré des écarts notables entre les consommations moyennes, écarts que l’on retrouve également dans l’Index ESG publié par Deepki, leur évolution relative, calculée ici entre 2021 et 2022 à périmètre constant, montre des résultats comparables.

Concernant les catégories Santé, Hôtels et Commerces, la composition de l’échantillon peut expliquer les écarts observés. En effet, la proportion de sous-catégories plus ou moins énergivores dans chacun de ces trois échantillons peut influer grandement sur la valeur de la consommation moyenne. Par exemple, la consommation moyennes des hôpitaux et cliniques sur la base BPE en 2022 est de 267 kWh/m²/an, contre 167 kWh/m²/an pour les établissement médico-sociaux.

Concernant les bureaux, il n’existe pas, comme pour les autres catégories, de sous-catégories clairement identifiées permettant d’expliquer de tels écarts de consommation. Il convient de pousser l’analyse plus loin.

Une première explication de l’écart observé pourrait se trouver dans la différence de périmètre étudié. La base OPERAT couvre en effet une surface bien supérieure à celle de l’OID. Néanmoins, si l’on s’intéresse aux bureaux parisiens, périmètre sur lequel la représentativité des bases BPE et OPERAT est du même ordre (30% des surfaces), on observe le même écart que sur les consommations calculées sur la France entière  : 162 kWh/m²/an et 126 kWh/m²/an respectivment pour le BPE et OPERAT, soit un écart de 29%, identique à l’écart observé sur la France entière. Il ne s’agit donc pas d’un manque de représentativité de l’échantillon BPE.

Une deuxième piste permettant d’expliquer les écarts observés concerne l’unité sur laquelle sont calculés les consommations : le bâtiment pour le BPE et l’Entité Fonctionnelle Assujettie (EFA) pour OPERAT. Ainsi, les consommations des bâtiments de la base BPE peuvent inclure celles d’autres types de surface (local serveur, commerce de pieds d’immeuble, bureaux des commerces), comptées séparément dans OPERAT. Une consolidation des données OPERAT à la maille bâtiment est nécessaire afin de tester cette hypothèse.

Enfin, une dernière explication réside dans la complétude des données. Des déclarations parcellaires peuvent en effet tirer la consommation moyenne vers le bas.

En conclusion, les travaux effectués posent les bases d’une méthodologie d’analyse des données OPERAT, qui devra à terme être étayée par un audit des données effectué en amont, afin notamment d’évaluer la complétude des déclarations.

Pour en savoir plus

L’étude complète est à retrouver ici : Performance énergétique du parc tertiaire : quel bilan de l’utilisation de la plateforme OPERAT en 2022-2023 ?

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