Dans un monde où la crise du logement et l’urgence environnementale convergent de manière alarmante, la nécessité de repenser notre approche de la construction devient impérative. Réduction de l’empreinte carbone, zéro artificialisation nette, préservation de la biodiversité, le secteur de la construction et en particulier les promoteurs et aménageurs sont appelés à revoir ses pratiques.
Mal-logement et précarité énergétique
D’un côté, malgré un ratio faible d’habitants par logements (2,3) en France, un nombre significatif de Français.es se trouve en situation de précarité résidentielle, oscillant entre mal-logement et l’absence de domicile fixe. Cette crise est marquée par des disparités régionales prononcées, avec des zones de tension où la demande excède largement l’offre, entraînant une hausse des prix de location et d’achat inaccessible pour une large part de la population. La fondation Abbé Pierre estime en 2023 à 4,2 millions le nombre de personnes concernées par des situations de mal-logement. Elle alerte sur « une aggravation alarmante de la crise du logement » et préconise la relance du financement du logement social (et sa plus égale répartition), la revalorisation des APL (Aide Personnalisée au Logement) ou encore la généralisation de l’encadrement des loyers.
La situation est aggravée par la part des logements vacants, couplée à un phénomène de sous-occupation, et un parc de logements vieillissant nécessitant des rénovations importantes. En France (hors Mayotte), plus de 3 millions de logements sont vacants et 6,6 millions sont des passoires énergétiques.
Un imaginaire collectif encore marqué par la maison individuelle
D’un autre côté, la maison individuelle avec jardin symbolise encore l’idéal de propriété et d’espace privé, une quête de qualité de vie et d’intimité.
Le désir de maisons individuelles contribue également à l’étalement urbain, exacerbant l’artificialisation des sols et les défis environnementaux associés. L’extension des zones résidentielles individuelles se fait souvent au détriment des terres agricoles ou naturelles, contribuant à une perte de biodiversité et à une augmentation des émissions de gaz à effet de serre, dues au changement d’affectation des terres et à une plus grande dépendance aux véhicules personnels. L’artificialisation des sols pose un dilemme crucial entre la satisfaction des aspirations résidentielles et la préservation des écosystèmes.
Quelles solutions pour le logement de demain ?
Face à ces enjeux, une réflexion s’impose sur les politiques de logement et d’aménagement du territoire. Il est nécessaire d’encourager des modèles d’habitat plus durables, tels que les logements collectifs de haute qualité, les écoquartiers, et la rénovation de l’existant pour optimiser l’utilisation des espaces urbains. Ces alternatives peuvent offrir une qualité de vie comparable à celle de la maison individuelle tout en limitant l’impact environnemental. Il est crucial d’accompagner ces politiques. Cela implique de valoriser la densité urbaine positive, l’innovation en matière de conception de logements, la création d’espaces verts partagés, créant ainsi des communautés résilientes et inclusives.
L’Exemple de la Ville du Quart d’Heure
La ville du quart d’heure est un concept innovant qui vise à repenser l’aménagement urbain pour répondre à la fois aux besoins résidentiels et aux défis environnementaux. Cette approche, popularisée par l’urbaniste Carlos Moreno, cherche à créer des villes où tous les besoins essentiels des résidents (comme le travail, les commerces, les écoles, les parcs, et les services de santé) sont accessibles en 15 minutes à pied ou à vélo. Ce modèle promeut une densité urbaine positive, réduit la nécessité de déplacements longs en voiture, et encourage une vie communautaire riche et diversifiée.
Dans ce cadre plusieurs leviers sont à actionner comme encourager la rénovation et la transformation des bâtiments vides ou sous-utilisés ou encore explorer des modèles résidentiels alternatifs tels que les habitats partagés pour augmenter la densité sans sacrifier la qualité de vie des occupants et des écosystèmes.
La crise du logement en France est exacerbée par des facteurs socio-économiques et territoriaux divers. La résolution de cette crise nécessite une approche holistique, intégrant des politiques de logement, des incitations à la rénovation, et une meilleure régulation du marché pour rendre le logement accessible à tous et toutes, tout en tenant compte des enjeux environnementaux contemporains.
Le projet Transition(S) 2050 de l’ADEME, modélise quatre scénarios de l’atteinte de la neutralité carbone à 2050. Dans les scénarios de sobriétés, le besoin en nombre de logements neufs construits entre 2015 et 2050 est estimé entre 4 et 5 millions. Des efforts autour des axes avancés dans cet article sont à réalisés pour concilier des objectifs de sobriété avec l’accès à un logement décent et la pérennité de la filière.
Merci à Geoffroy Gourdain pour l’apport de son expertise sur le sujet