Comment calculer les coûts de l’action et de l’inaction pour le secteur immobilier ?

Dans une stratégie d’adaptation au changement climatique, le calcul du coût de l’action et de l’inaction est un outil d’aide à la décision déterminant. Même si les définitions et mesures de ces coûts sont complexes, cette analyse aboutie, dans la majorité des études existantes, à un avantage économique net de l’action sur l’inaction. Ne pas investir maintenant c’est en payer le prix plus tard !

A l’horizon 2071-2100, le nombre de vagues de chaleur pourrait quadrupler dans un scénario optimiste et être multiplié par 5 voire 7 dans un scénario plus pessimiste (informations présentées par Michel Schneider lors d’un atelier de travail organisé par l’Observatoire de l’immobilier durable (OID) en mai 2019). A Paris, le réchauffement climatique est déjà observable. La ville s’est déjà réchauffée de +2,3°C depuis l’ère préindustrielle[1]. Le rapport publié par la ville de Paris prévoit une température moyenne dans la ville de 13,4°C en 2050 par rapport à 10,7°C en 1885, ainsi qu’un triplement des jours caniculaires entre ces deux périodes. Dans le cadre de sa mission d’information et d’évaluation sur le thème des politiques dédiées à l’adaptation de la ville aux super vagues de chaleur, la Ville de Paris travaille à anticiper ces enjeux.

Pour nourrir sa réflexion, cette mission a sollicité l’Observatoire de l’Immobilier de travail afin de produire un travail préliminaire sur les coûts de l’inaction et de l’adaptation pour le secteur de l’immobilier.

Qu’est-ce que le coût de l’inaction ?

Le coût de l’inaction face au changement climatique recouvre l’ensemble des effets physiques, économiques, sanitaires et environnementaux du changement climatique sur le territoire et sur sa population en l’absence d’action d’atténuation ou d’adaptation[2]. Cette approche a vocation à être sectorialisée. Dans le domaine de l’immobilier, ce calcul doit prendre en compte :

  • Les pertes financières associées aux futures dégradations et le coût des mesures d’adaptation en urgence (comme l’installation de climatisation dans le cas des vagues de chaleur) ;
  • Les pertes de valeur immobilière à la location ou à l’achat d’un bien ;
  • Les pertes assurancielles ;
  • Les coûts de la reconstruction ;
  • Le coût sanitaire et de dégradation de l’environnement.

Le calcul des coûts de l’inaction est souvent basé sur des données historiques. Par exemple, pour le calcul des coûts sanitaires, l’étude de Santé publique France[3] est un exemple d’estimation des impacts sanitaires sur le territoire français. Ils y sont estimés, autour de 22 ou de 37 milliards d’euros pour la période entre 2015 et 2020. En approximant l’évolution du climat en un doublement des conséquences des périodes de vague de chaleur pour 2045-2050, le coût se situerait entre 44 et 74 milliards d’euros (cf tableau 1).

En 2003, la ville de Paris avait enregistré 7,2% des décès dus à la canicule du territoire[4]. Le coût sanitaire pour la ville de Paris à 2045-2050 pour les vagues de chaleur peut donc être estimé entre 3,2 et 5,2 milliards d’euros.

Coût de l’action – Méthodologie pour la ville de Paris

Les bâtiments ne répondant pas tous de la même manière au changement climatique, selon leurs caractéristiques techniques, une première étape dans ce travail constitue en une définition d’une typologie de bâtiments. Cette définition doit permettre de cartographier la sensibilité du parc immobilier parisien.

Une fois la sensibilité du parc établie, il faudra évaluer son exposition à l’aléa vague de chaleur. Les tableaux ci-dessous permettent d’appréhender l’exposition de la ville de Paris à l’aléa vague de chaleur selon le scénario Business-as-Usual du GIEC à différents horizons temporels.

  2020 2030 2050 2070 2090
Nombre de nuits anormalement chaudes 36 38 51 78 113
Nombre de jours de vague de chaleur 13 15 23 39 76

Tableau 1 : Indicateurs climatiques bruts pour le scénario Business as Usual

A ces indicateurs climatiques bruts sont issus des modèles de météo France. Pour aller plus loin et prendre en compte l’effet d’îlot de chaleur urbain dans la ville de Paris, le croisement du modèle du CNRM avec la BD TOPO permet d’estimer les pourcentages de surface au sol de bâtiments soumis à des degrés additionnels liés à l’ICU.

Figure 1. Emprise au sol des bâtiments soumis à un effet d’îlot de chaleur par degrés additionnels

85% de l’emprise au sol des bâtiments dans Paris est placée dans des zones où l’effet de l’îlot de chaleur urbain entraîne une hausse de température de plus de 5°C additionnel au réchauffement climatique.

Le modèle d’analyse de résilience de l’Observatoire de l’Immobilier Durable – dont les détails sont explicités ici – peut ensuite permettre de considérer que l’immobilier parisien est donc en majeure partie soumis à un risque lié aux chaleurs important à très important.

Les préconisations d’adaptation au changement climatique pour les bâtiments à ces niveaux de risque sont les suivantes :

Niveau de risque important

◦  Repeindre les revêtements de toitures, voiries et/ou façade en blanc

◦  Installation de protections solaires sur les ouvertures

◦  Brasseur d’air ou ventilation naturelle

◦  Végétalisation de toitures

◦  Isoler par l’extérieur

Niveau de risque très important

◦  Installation de protections solaires sur les ouvertures

◦  Brasseur d’air ou ventilation naturelle

◦  Végétalisation de toitures

◦  Obstruction de certaines fenêtres

◦  Utiliser la géothermie

◦  Créer ou exploiter des points d’eau

◦  Flexibiliser les pratiques et comportements

Figure 2 : Correspondance Actions Adaptatives, niveau de risque, sensibilité du bâtiment

Par ailleurs, de nombreuses solutions d’adaptation pour réduire le risque climatique de vagues de chaleur auxquelles les bâtiments sont exposés ne peuvent être mises en place directement sur le bâtiment. Les solutions fondées sur la nature nécessitent un déploiement territorial. De même, la mise en place de réseaux de froids, de stratégie impliquant les voiries, la création de points d’eau dans l’espace public, permettent une importante réduction du risque climatique mais ne peuvent être menées dans le cadre d’une stratégie d’adaptation d’un bâtiment seul.

La dernière étape consiste à chiffrer les actions adaptatives en termes de coûts pour pouvoir estimer le coût de l’action pour adapter le parc immobilier parisien. A ce stade, les évaluations financières de ces stratégies n’ont pas été effectuées.

L’Observatoire de l’Immobilier durable lance pour 2023 des travaux permettant de chiffrer les coûts de l’action et de l’inaction. Retrouvez bientôt un module permettant d’évaluer les impacts financiers de votre stratégie d’adaptation sur notre plateforme de résilience R4RE.

 

[1] Ville de Paris, PARIS FACE AUX CHANGEMENTS CLIMATIQUES, Septembre 2021.

[2] CEREMA, Rapport d’étude : Le coût de l’inaction face au changement climatique et à la pollution de l’air, Proposition de méthodologie d’évaluation – Note synthétique, Décembre 2021.

[3] Santé publique France, Évaluation monétaire des effets sanitaires des canicules en France métropolitaine entre 2015 et 2020, 2021

[4] ORS, Conséquences sanitaires de la canicule d’août 2003 en Ile-de-France, 2003

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