Simplification des standards ESRS : premières propositions

La directive CSRD, dont l’objectif est d’harmoniser les rapports de durabilité des entreprises assujetties en proposant des normes de durabilité appelées standards ESRS, est aujourd’hui remise en cause. Le projet européen Omnibus, présenté en début d’année, vise notamment à simplifier les normes de durabilité ESRS. Fin juillet 2025, l’EFRAG (organe consultatif auprès de la Commission européenne) a donc publié une liste de recommandations de modifications de ces standards. Ces modifications sont ouvertes à consultation jusqu’au 29 septembre 2025.

Qu’est ce que la directive CSRD et les standards ESRS ?

Transposée en droit français en décembre 2023, la directive CSRD (Corporate Sustainability Reporting Directive) vise à harmoniser la publication d’informations en matière de durabilité. Concernant les grandes entreprises cochant plusieurs critères opérationnels et financiers précis*, elle impose des standards communs sur leurs impacts, risques et opportunités environnementaux, sociaux et de gouvernance (ESG). L’objectif est d’améliorer la transparence des entreprises sur leurs politiques et actions ESG.

Les standards ESRS, normes européennes découlant de la CSRD, sont les standards que les entreprises doivent suivre pour communiquer de manière transparente leurs enjeux ESG. Ils spécifient les informations qui leur sont demandées concernant les impacts, risques et opportunités (IRO) de leurs activités en matière de durabilité. A la demande de l’Union européenne, les ESRS ont été conçus par l’EFRAG (Groupe Consultatif européen pour l’Information Financière). Ils sont divisés en deux catégories : transversales, pour définir les « exigences et informations générales à publier » et thématiques (environnementales, sociales et de gouvernance).

Omnibus : la simplification des ESRS enclenchée

Bien que ces normes aient été appliquées pour le premier exercice de reporting en 2025, leur utilisation est actuellement mise en pause à la suite du projet législatif Omnibus, adopté le 26 février 2025. Cet ensemble de nouvelles propositions vise la révision de plusieurs textes, notamment la CSRD. L’objectif est d’aboutir à une simplification des exigences afin de préserver la compétitivité européenne et réduire la complexité et de la charge administrative pour les entreprises assujetties.

Point cardinal de cette quête de simplification, les ESRS sont amenés à connaître de nombreux changements : modifications de calendrier, modifications substantielles des textes ou rétrécissement du périmètre des entreprises concernées et allègements de leurs obligations.

Une première étape de cette simplification a été l’adoption des deux actes délégués « Quick fix » et « Stop the Clock » en juillet 2025. Les entreprises de la vague 1, déjà tenues de se conformer à la CSRD, ont vu leurs obligations de reporting en matière de durabilité allégées pour les exercices 2025 et 2026 grâce aux « Quick Fix Amendments ». Ce rallongement des « phases in » (publication non obligatoires les premières années de certaines données) permettrait une montée en compétence progressive sur les sujets ESG complexes, ainsi qu’un allégement de la charge de travail liée au reporting. La directive « Stop the Clock » permet aux entreprises qui n’ont pas encore publié leurs reportings CSRD (vagues 2 et 3) de ne le faire qu’à partir de 2027 ou 2028.

Les ESRS revus et allégés par l’EFRAG

L’EFRAG a proposé des ESRS simplifiés le 31 juillet 2025.  Dans cette version, les données obligatoires ont été réduites de 57% et le nombre total d’indicateurs à publier de 68 %. Les experts européens ont ainsi identifié plusieurs axes stratégiques sur lesquels agir.

Premier d’entre eux, la simplification de l’analyse de la double matérialité. Pour rappel, ce concept combine la matérialité financière (les risques et opportunités pour l’entreprise liés aux évolutions environnementales) et la matérialité d’impact (les impacts environnementaux et sociaux causés par l’activité de l’entreprise). L’EFRAG a donc proposé de rendre la double matérialité plus ciblée : si l’ESRS n’est pas entièrement matériel mais que seulement un ou plusieurs de ses sous-enjeux l’est, le reporting sera requis seulement sur ces sous-enjeux.

Une clarification a aussi été apportée sur la manière d’articuler l’identification des impacts, risques et opportunités avec l’analyse de la matérialité, ainsi que le niveau de granularité attendue sur le reporting de durabilité, en particulier sur l’ESRS 2. Les exigences de publication volontaires ont aussi été supprimées. De plus, les indications méthodologiques pour appliquer correctement les exigences de publications requises (les Application Requirements) doivent être publiées avant ces dernières. Une « Guidance Illustrative Non Obligatoire », ou « NMIG », sera aussi communiquée afin d’aider les entreprises à comprendre et à mettre en œuvre les ESRS. Le BP-1, qui désigne le premier niveau de reporting, reste aligné aux ESRS 1 et doit être réalisé selon la logique du « comply or explain », c’est-à-dire que l’entreprise applique les ESRS 1 ou explique pourquoi elle ne le fait pas.

Pour gagner en lisibilité et limiter la répétition d’informations, l’EFRAG a aussi suggéré de simplifier la structure des rapports de durabilité : la première partie sera un résumé et la deuxième partie regroupera les annexes avec les données détaillées.  Dans cette même perspective d’efficacité et de concision, l’EFRAG a aussi recommandé de réduire drastiquement les spécifications visant les politiques, les actions et les objectifs cibles (PAT) obligatoires dans les normes thématiques.

Les PAT, ou les mesures concrètes mises en œuvre pour gérer un enjeu de durabilité, ne devraient être reportées qu’une fois si elles sont déjà mises en œuvre au sein de l’entreprise sur un enjeu matériel et décrites une seule fois dans tout le rapport même si elles couvrent différents enjeux matériels. Enfin, les exigences de publication obligatoires (les Minimum Disclosure Requirements ou MDR), remplacés par le nom General Disclosure Requirements (GDR), ont permis une clarification du reporting sur les PAT (politiques, actions et cibles) et un allègement des exigences de reporting en lien.

En plus de ces deux axes majeurs, l’EFRAG souhaite alléger la collecte de données difficiles. Les entreprises sont amenées à respecter le principe de « undue cost or effort », signifiant que tout effort de collecte disproportionné par rapport à l’utilité de l’information doit être évité. Pour les acquisitions ou cessions d’entreprises, un allègement est aussi prévu quant aux informations demandées. Les points de données obligatoires doivent être réduits. Si les données quantitatives sur la chaîne de valeur globale sont trop difficilement accessibles pour certaines entreprises, elles auront la possibilité de publier des données partielles.

Par ailleurs, le projet de normes sectorielles a été abandonné depuis l’adoption de la loi Omnibus le 26 février 2025. Comme le précise l’EFRAG, les exigences sectorielles sont désormais limitées à des références dans les ESRS 2, sans développement propre.

Le dernier point sur lequel le groupe d’experts préconise d’agir est une meilleure compatibilité avec les standards mondiaux. La terminologie et les définitions seront harmonisées avec les normes IFRS/ISSB – normes IFRS S1 et S1 ou encore GRI, pour faciliter les reporting multi-juridictions et éviter la multiplication des efforts.

Des éléments essentiels préservés

Preuve d’un engagement fort maintenu en matière de durabilité, certains points essentiels resteront inchangés. L’analyse de la double matérialité sera certes simplifiée, mais pas supprimée : elle reste obligatoire. Le bilan carbone Scope 3 (émissions indirectes sur toute la chaîne de valeur) doit toujours être communiqué sauf si les données sont inaccessibles. Etant encore difficile pour les entreprises d’agir sur les autres critères de durabilité, conserver une évaluation profonde et rigoureuse de l’impact carbone est crucial. Par ailleurs, les ESRS simplifiés continueront d’être alignés avec le Règlement SFDR et la Taxinomie européenne.  

Si les critiques des entreprises de la vague 1 sont à l’origine de ce projet de simplification, certaines, qui avaient préparé une stratégie ESG ambitieuse sur les prochaines années, regrettent ce retour en arrière. Toutefois, nombre de commentateurs soutiennent que cette simplification des ESRS ne portera pas atteinte aux exigences de fond en matière de durabilité fixées jusqu’alors au niveau européen.

Suite du processus de consultation

A la suite des commentaires reçus durant cette période de consultation, l’EFRAG préparera son projet officiel de révision des ESRS. Remis à la Commission européenne le 31 octobre prochain, qui est libre d’y apporter des modifications, elle adoptera ensuite les standards ESRS remodelés officiellement. Les co-législateurs, Parlement et Conseil de l’UE, auront ensuite deux mois pour s’opposer au texte proposé par la Commission. Ces nouveaux standards sont attendus pour début 2026.

*depuis le 26 février 2025, l’adoption des lois Omnibus conduit à des changements du périmètre d’entreprises concernées et à un report des échéances. A ce jour, les entreprises soumises à la CSRD devront suivre le calendrier suivant :

  • vague 1 : pour les exercices commençant le 1er janvier 2024 ou après cette date, toutes les grandes entreprises d’intérêt public de plus de 500 employés qui remplissent 1 des 2 critères : un bilan total de 25 millions d’euros et un chiffre d’affaires net de 50 millions d’euros 
  • vague 2 : pour les exercices commençant le 1er janvier 2027 ou après cette date toutes les grandes entreprises qui remplissent 2 des 3 critères :  un bilan total de 25 millions d’euros, un chiffre d’affaires net de 50 millions d’euros, un nombre moyen de salariés employés au cours de l’exercice de 250
  • vague 3 : pour les exercices commençant le 1er janvier 2028 ou après cette date, les PME cotées sur marché règlementé européen qui remplissent 2 des 3 critères :  un bilan entre 0,45 M€ et 25M€, un CA entre 0,9M€ et 50M€ et un nombre moyen d’employés entre 10 et 250 personnes au cours de l’exercice
  • pour les exercices commençant le 1er janvier 2028 ou après cette date : entreprise non européenne ayant à la date de clôture des deux derniers exercices consécutifs un chiffre d’affaires net européen supérieur à 150 millions d’euros et disposant d’une succursale en France dont le chiffre d’affaires net excède 40 millions d’euros.

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