FIRENO+ : Simplifier le financement pour massifier la rénovation environnementale performante 

La rénovation énergétique des bâtiments est devenue une priorité incontournable pour atteindre les objectifs climatiques, améliorer la qualité de vie, et renforcer la résilience des territoires. Le projet FIRENO+, soutenu par 2DI, l’ADEME, Respublica, et cofinancé par la Commission européenne, s’inscrit dans cette dynamique en cherchant à simplifier le financement des rénovations énergétiques dans les secteurs tertiaire et résidentiel. 

Pourquoi est-il urgent de massifier la rénovation énergétique des bâtiments ? 

La rénovation énergétique est bien plus qu’une simple question technique : elle est une urgence environnementale et sociale. Le secteur du bâtiment est responsable d’un tiers des émissions de gaz à effet de serre en Europe et de 40% de la consommation énergétique. Avec des millions de personnes vivant dans des passoires thermiques, la rénovation devient une nécessité pour réduire les inégalités, améliorer la qualité de vie, créer des emplois et diminuer les émissions de gaz à effet de serre et la consommation énergétique. Sans une action rapide et coordonnée, ces enjeux ne feront que s’aggraver, impactant durablement les plus vulnérables et rendant inatteignable les objectifs de décarbonation du secteur. 

Massifier la rénovation : une impulsion européenne 

Du côté de la réglementation, plusieurs initiatives européennes ont vocation à accélérer le rythme de rénovation au sein des états membres : 

  • La refonte de la Directive sur l’Efficacité Energétique (DEE). Elle engage une baisse significative de la consommation énergétique de 11,7% entre 2020 et 2030. Autrement dit, cet objectif se décline en une diminution d’environ 25 % de la consommation d’énergie finale et 34% de la consommation d’énergie primaire dans l’Union par rapport aux niveaux de 2005. 
  • La Directive pour la Performance Energétique des Bâtiments (DPEB). Elle prévoit de doubler le nombre de rénovations d’ici 2030. Aujourd’hui, le rythme de rénovation en Europe est de 11% par an pour seulement 1% de rénovation énergétique et 0,2% de rénovation énergétique en profondeur (Source : Commission européenne). 
  • La Commission Européenne est en train de créer une Coalition pour le Financement de l’Efficacité Energétique, avec pour objectif de soutenir cette transition cruciale. Cette initiative inclut la création d’une Assemblée Générale composée d’experts européens, ainsi que la mise en place de hubs nationaux pour adapter les solutions aux spécificités de chaque marché des États membres. Un Appel à Manifestation d’Intérêt (AMI) a également été lancé pour les institutions financières, afin de renforcer leur engagement dans ce projet (disponible ici). 

Planification écologique de la France pour la rénovation 

En France, la transition énergétique s’appuie sur trois documents stratégiques essentiels : la Stratégie Nationale Bas-Carbone (SNBC), la Programmation Pluriannuelle de l’Énergie (PPE), et le Plan National d’Adaptation au Changement Climatique (PNACC3). D’ici 2050, la France ambitionne de réduire la consommation énergétique nationale de 40 à 50 % par rapport à 2021. Le pays prévoit également d’éliminer l’utilisation du charbon d’ici 2027 et de sortir complètement des énergies fossiles d’ici 2050, alors qu’aujourd’hui, ces dernières représentent encore 60 % de l’énergie utilisée. Pour atteindre ces objectifs, la France prévoit d’augmenter de 10 % sa production électrique d’ici 2030.  

Entre 2021 et 2030, la France s’est fixé l’objectif de réduire ses émissions de gaz à effet de serre (GES) de 43 %. En parallèle, elle vise à éliminer les chaudières à énergie fossile d’ici 2040 dans l’Union Européenne, en commençant par remplacer 75 % des chaudières fioul d’ici 2030 et 25 % des chaudières gaz. 

Pour réussir cette transition, plusieurs leviers de transformation sont activés. Tout d’abord, la sobriété énergétique doit être amplifiée, avec un objectif de réduction de 12 % de la consommation énergétique, grâce à des changements comportementaux et technologiques. Ensuite, les instances publiques doivent montrer l’exemple en rénovant 3 % de leurs bâtiments par an pour les amener aux normes BBC (Bâtiment Basse Consommation) et réduire leur consommation de 2 % par an à partir de 2027. Enfin, il est crucial d’accélérer le remplacement des systèmes de chauffage, en particulier pour augmenter la part des énergies renouvelables à 40 % dans les bâtiments rénovés. 

Les dispositifs existants, tels que MaPrimeRénov’ et les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), sont jugés insuffisants pour atteindre les trajectoires de décarbonation nécessaires. Il est estimé que d’ici 2025, 500 000 rénovations par geste devront être réalisées, en plus de 250 000 rénovations globales, pour maintenir le rythme nécessaire à la transition énergétique. 

Reportings, valeur verte, obsolescence : Quelles motivations pour les acteurs de l’immobilier ? 

Outre les pressions réglementaires et environnementales, d’autres motivations poussent les acteurs à engager des rénovations. Pour les propriétaires de bâtiments, la rénovation peut augmenter la valeur de leurs actifs, améliorer le confort des occupants, et permettre d’afficher leurs performances au travers les exigences de reporting auxquels ils sont soumis. La vétusté des équipements et le fait de profiter d’opportunités de rénovation lors des transactions immobilières sont également évoqués comme source de motivation par les acteurs.  

2. Quels sont les obstacles à cette massification ? 

La massification de la rénovation énergétique se heurte à plusieurs obstacles majeurs, dont le manque de formation des artisans et la faible visibilité de la filière. Ces difficultés freinent la capacité des professionnels à répondre aux exigences techniques des rénovations globales, tout en exacerbant les défis économiques et administratifs. 

Formation des artisans et manque de visibilité de la filière 

L’un des principaux obstacles à la massification de la rénovation énergétique est le manque d’artisans qualifiés. La formation insuffisante des professionnels du bâtiment limite leur capacité à répondre aux exigences techniques des rénovations globales. Ce manque de qualification freine la montée en compétence de la filière et, par conséquent, ralentit l’atteinte des objectifs de rénovation. 

En outre, le manque de coordination et de stabilité dans les politiques publiques empêche les investisseurs de s’engager sur le long terme. Chaque année, les modifications apportées aux lois de finance créent une incertitude qui décourage les investissements durables, alors que des politiques plus cohérentes jusqu’en 2050 seraient nécessaires. 

Questions techniques en suspens 

Certains aspects techniques représentent également des freins importants. Par exemple, la question du remplacement des chaudières à gaz dans certains logements collectifs reste en suspens. De plus, il est complexe de déterminer comment rénover efficacement le patrimoine architectural, souvent soumis à des contraintes spécifiques. 

Freins économiques à la rénovation 

Les coûts de rénovation, en particulier pour les rénovations globales, constituent un frein majeur. Le montant restant à charge pour les ménages après déduction des aides publiques est souvent trop élevé, rendant ces rénovations difficiles à financer. Cette barrière économique est amplifiée par la complexité administrative qui entoure l’accès aux aides disponibles, décourageant ainsi de nombreux propriétaires de se lancer dans des projets de rénovation. 

Malgré une augmentation des ressources publiques dédiées à la rénovation, la demande en investissements continue de croître, notamment en raison de l’ambition européenne de transition énergétique et de l’augmentation des coûts des travaux. Le besoin d’investissement est estimé à 200 milliards d’euros par an, ce qui montre que les ressources publiques sont insuffisantes pour couvrir l’ensemble des besoins. Par conséquent, il est nécessaire de promouvoir des solutions financières innovantes et d’encourager l’investissement privé pour combler ce gap. 

D’après une étude de l’I4CE, en 2022, les secteurs du bâtiment, des transports et de l’énergie ont reçu un investissement total de 100 milliards d’euros. Cependant, il aurait été nécessaire d’investir 58 milliards supplémentaires de manière plus efficiente pour atteindre les objectifs fixés. En ce qui concerne spécifiquement le secteur du bâtiment, les investissements en rénovation se sont élevés à 22 milliards d’euros, mais cela reste insuffisant pour répondre aux défis futurs. Pour la période 2024-2030, il faudrait augmenter ces investissements de 27 % en moyenne, soit presque doubler les montants actuels pour assurer que la rénovation soit à la hauteur des ambitions de transition énergétique. 

Enfin, le financement à long terme des rénovations nécessite de revoir les modèles fiscaux et de créer des normes favorisant la participation des investisseurs privés. La mobilisation de capitaux privés devient essentielle pour atteindre les objectifs de décarbonation du secteur. 

3. Comment massifier la rénovation au travers de dispositifs de financement ? 

 Pour répondre aux enjeux de la rénovation énergétique et atteindre les objectifs de transition écologique, plusieurs dispositifs de financement existent déjà, mais demeurent insuffisants. L’optimisation des dispositifs actuels et l’exploration de nouvelles solutions financières sont cruciales pour massifier les efforts de rénovation et encourager l’implication des acteurs privés. Il est également essentiel de définir les types de rénovations à privilégier, en tenant compte des défis climatiques à venir et en intégrant une approche globale d’adaptation aux futures conditions environnementales. 

Dispositifs existants 

Actuellement, plusieurs dispositifs de financement existent pour soutenir la rénovation énergétique. MaPrimeRenov’, les Certificats d’Économie d’Énergie (CEE), et le Prêt à Taux Zéro (éco-PTZ) sont parmi les plus connus. Cependant, comme l’ont montré les entretiens menés pour cadrer le projet FIRENO+, ces dispositifs ne sont pas suffisants pour atteindre les objectifs fixés. Le manque de connaissance et de recours à ces outils est flagrant, notamment dans le secteur tertiaire où les régimes d’obligations sont mal adaptés aux besoins de financement. 

Des dispositifs à creuser 

Pour surmonter les obstacles et massifier la rénovation, plusieurs pistes méritent d’être explorées davantage. La création de nouveaux dispositifs fiscaux, comme la transposition du dispositif de défiscalisation « Denormandie » au secteur tertiaire, ou l’introduction d’amortissements progressifs et accélérés pour les rénovations, sont des solutions évoquées. Le développement du crowdlending et de solutions de financement participatif pourrait également aider à réduire le reste à charge pour les ménages et les petites entreprises. 

L’implication des acteurs privés est cruciale. Il est urgent de mobiliser davantage de capitaux privés, notamment en renforçant les incitations fiscales et réglementaires, et en créant des marchés pour ces investissements. 

Quels types de rénovations financer ? 

La question du type de rénovations à financer est essentielle pour maximiser l’efficacité des investissements. Les rénovations globales, qui intègrent plusieurs aspects de la rénovation en une seule opération, sont souvent les plus efficaces en termes de réduction des émissions. Cependant, elles sont aussi les plus coûteuses et les plus complexes à mettre en œuvre. 

Les rénovations par geste, qui consistent à réaliser des travaux isolés comme le remplacement d’une chaudière ou l’isolation d’une toiture, sont plus simples et moins coûteuses, mais elles offrent un retour sur investissement plus limité. Pour être efficaces, ces rénovations doivent être combinées avec une approche globale, en intégrant autant que possible les énergies renouvelables. 

De plus, face à une trajectoire climatique qui pourrait mener à une hausse des températures d’au moins +4 °C d’ici 2100, il est crucial de prendre en compte les enjeux d’adaptation lors des rénovations. Il est nécessaire d’adopter un réflexe adaptation, et s’assurer que chaque dépense est a minima compatible à une France à +4°C. 

En conclusion, le projet FIRENO+ vise à lever ces obstacles et à mettre en place des solutions de financement innovantes et adaptées, pour massifier la rénovation énergétique en Europe. Grâce à une meilleure coordination des actions, à l’implication des acteurs privés, et à la création de nouveaux outils financiers, FIRENO+ a le potentiel de transformer le paysage de la rénovation énergétique et de contribuer activement à la transition énergétique et environnementale. 

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