Le 20 avril 2024 a été publié au Journal officiel un arrêté corrigeant les biais de calculs du diagnostic de performance énergétique (DPE) pour les logements de petites surfaces de moins de 40 m² en France métropolitaine. Si cette initiative s’explique sur le plan énergétique, elle est surtout l’incarnation de la difficile conciliation entre enjeux sociaux et problématiques environnementales.
Le contenu de la réforme
Concrètement, ce nouvel arrêté remplace le terme « surface habitable » par « surface de référence » dans le DPE. Cette surface de référence, comme définie dans la réglementation de la construction neuve RE 2020, inclut à la fois la surface habitable, la surface des vérandas chauffées, ainsi que la surface des locaux transformés en pièce de vie.
L’arrêté introduit ensuite deux corrections. La première consiste à simuler la différence de consommation d’énergie primaire pour l’eau chaude sanitaire (ECS) entre un logement de petite surface et un logement de 40 m² (surface de référence), tous deux équipés du même système standardisé d’ECS, selon le ministère. La différence de consommation mesurée est ensuite ajoutée aux seuils actuels des étiquettes pour déterminer les nouveaux seuils. La seconde correction concerne le chauffage pour les logements de moins de 15 m², en raison des difficultés importantes à les isoler correctement, sans rogner sur une surface habitable déjà faible.
L’approche linéaire : un enjeu énergétique
Il convient de regarder avant tout cette réforme sous l’angle énergétique, pour comprendre correctement de quoi il est question. Les étiquettes du diagnostic de performance énergétique correspondent à des seuils de consommation énergétique et d’émission de gaz à effet de serre par m2 de surface.
Ce mode de fonctionnement suppose une parfaite linéarité entre consommation énergétique et surface du logement en question : un logement deux fois plus petit qu’un autre doit consommer deux fois moins d’énergie pour prétendre au même niveau de performance énergétique.
Or la consommation énergétique d’un logement possède une part incompressible afin de maintenir des conditions d’habitation décentes. Qu’il s’agisse de questions de chauffage, d’eau chaude sanitaire, de réfrigération ou de ventilation, il y a un besoin minimum qui n’est que très difficilement réductible. Dans ces conditions, il semble qu’attendre d’un logement de 30 m2 qu’il consomme deux fois moins d’énergie qu’un logement de 60 m2 pour qu’il leur soit attribué un même niveau de performance énergétique, est pénalisant pour les logements de petite surface.
Il y a ici en ligne de fond une question simple mais déterminante : qu’entendons-nous par performance énergétique ? S’agit-il d’une métrique la plus uniforme possible pour qualifier une surface ou d’une échelle plus sociologique qui doit prendre en compte les contraintes et réalités de l’occupation de cette surface ?
La mosaïque européenne
Cette question n’est pas nouvelle, l’ensemble des pays de l’Union Européenne ont eu à se la poser dès la genèse du DPE il y a 22 ans, lors de la publication de la première version de la Directive pour la Performance Energétique des Bâtiments (EPBD) en 2002.
Certains pays ont d’ailleurs choisi une échelle relative à un bâtiment de référence. De même lors de l’établissement des critères NZEB (Nearly Zero Energy Building), standards de performance énergétique pour la construction neuve à l’échelle européenne, plusieurs méthodologies ont émergé. Le Danemark a par exemple proposé une formule d’application comprenant une part relative à la surface, additionnée à une part incompréhensible, pour chaque seuil ; faisant ainsi le cas d’une méthodologie attentive aux contraintes d’habitation.
D’autres pays, dont la France, avaient opté pour une approche linéaire, afin d’apporter au marché l’outil le plus transversal et comparable possible.
Conjuguer social et environnemental
Cette réforme n’est donc pas anodine, elle témoigne d’un revirement de fond. Alors que crise du logement et crise environnementale convergent, certains arbitrages deviennent inévitables. Et c’est bien cela le fondement de cette réforme, puisqu’il est d’abord et avant tout mis en avant qu’elle devrait permettre d’exclure près de 140 000 logements de la catégorie des passoires énergétiques.
Les exigences environnementales sont loin d’être les seuls déterminants de la crise sociale. Il faut prendre en compte une conjoncture économique qui a été marquée par une remontée des taux d’intérêts, ce qui a ralenti l’accession à la propriété et surchargé, du même coup, le parc locatif. Il faut y ajouter des dynamiques comportementales qui accroissent le besoin de logement, le coût des matériaux, sans oublier des phénomènes ponctuels qui viennent contraindre le marché comme l’attractivité des locations touristiques pendant la période des jeux olympiques.
Pour autant, il n’est pas possible de nier que les attentes environnementales sont un des paramètres de cette contraction du marché. Mais il est indispensable de conjuguer enjeux sociaux et problématiques environnementales. Cette alliance reste encore trop souvent un mythe, dont l’un des exemples les plus saillants est peut-être le retard accusé par le pan social de la Taxinomie européenne. Il faudra bien, pourtant, trouver une voie qui le permet, car atténuation et adaptation au changement climatique sont des efforts de prévention sociale dont nous ne pouvons nous permettre l’économie.