La France a pris un tournant décisif en matière de politique climatique en mettant l’accent sur l’adaptation, auparavant négligée au profit de l’atténuation. Le rapport de la Cour des comptes, soulignant les lacunes et les besoins urgents en matière d’adaptation au changement climatique, a renforcé ce changement de paradigme. Face à la perspective d’un réchauffement de +4°C, le secteur immobilier doit se mobiliser à intégrer à la fois l’atténuation et l’adaptation, assurant la sécurité, le confort, l’habitabilité des bâtis et les modes de vie des générations futures.
L’année 2023 a marqué un tournant dans la lutte contre le changement climatique, enregistrant un record de température mondiale moyenne à +1,45 °C au-dessus des niveaux préindustriels. Cette anomalie majeure souligne à la fois l’échec des efforts globaux pour atteindre les objectifs de l’Accord de Paris (visant à limiter le réchauffement à +2 °C d’ici la fin du siècle) mais aussi l’urgence d’intensifier les mesures d’adaptation. La France et plus largement l’Europe connaissent un réchauffement bien plus rapide que la moyenne mondiale, avec des projections allant jusqu’à +4 °C pour la France à l’horizon 2100, selon le GIEC et Météo France. Cette réalité alarmante a été soulignée par Christophe Béchu, ministre de la Transition écologique, qui a reconnu publiquement la probabilité de manquer les cibles de l’Accord de Paris et appelé à une action urgente.
Depuis le début de 2023, le gouvernement, appuyé par des ONG actives, a mis en avant la nécessité de renforcer la résilience des infrastructures, des écosystèmes et des communautés. Cette nouvelle orientation est confirmée par une série de rapports et d’études publiés entre 2023 et début 2024, qui mettent en lumière les défis futurs et les mesures potentielles à adopter. Ces développements marquent une évolution cruciale dans la politique environnementale française, indiquant un changement radical dans la manière de gérer la crise climatique, avec un accent particulier sur l’adaptation concrète et immédiate.
L’adaptation au changement climatique a longtemps été négligée dans le discours et les actions politiques globales.
L’adaptation au changement climatique a souvent été reléguée au second plan dans les discours et les actions politiques internationales, malgré sa reconnaissance dès le Sommet de Rio en 1992. Historiquement perçue comme le parent pauvre des politiques publiques, l’adaptation n’a pas retenu l’attention qu’elle mérite.
Alors que l’atténuation vise à réduire les émissions de gaz à effet de serre pour limiter l’ampleur du changement climatique, l’adaptation cherche à minimiser les impacts de ces changements. Une adaptation efficace nécessite une prise en compte scientifique des risques climatiques, comme souligné dans les rapports du GIEC. Les modélisations et projections climatiques issues de ces rapports sont vitales pour évaluer les risques associés aux différents scénarios d’émission et orienter ainsi les politiques vers les stratégies d’adaptation les plus judicieuses. Ignorer cette nécessité pourrait mener à des stratégies de maladaptation, exacerbant la vulnérabilité face aux impacts climatiques futurs.
L’intégration des risques climatiques dans les stratégies d’adaptation ne doit pas signifier un abandon de l’atténuation. Au contraire, une approche bien conçue de l’adaptation doit aussi contribuer à la réduction des émissions, alignant les stratégies de développement durable avec les exigences climatiques. Il est crucial d’adopter une approche intégrée pour assurer une synergie entre atténuation et adaptation. Ainsi, l’adaptation se redéfinit non seulement comme une nécessité urgente mais aussi comme un élément central de la stratégie climatique globale, appelant à une action coordonnée et immédiate pour protéger notre futur collectif.
Les politiques publiques doivent opérer un virage d’ampleur pour que la France s’adapte au changement climatique indique la Cour des Comptes
Le rapport de la Cour des comptes, composé de plus de 700 pages, constitue une analyse exhaustive des actions d’adaptation au changement climatique entreprises ou omises par l’État, les collectivités locales, ainsi que les grandes entreprises publiques. Ce rapport couvre des secteurs divers, des cultures céréalières aux stations de montagne et institutions financières, en passant par la recherche publique et la gestion du trait de côte. Toutefois, il ne se penche pas sur les actions des particuliers ou des entreprises privées, laissant un vide significatif dans l’appréciation globale de la réponse au changement climatique.
Deux alertes majeures en ressortent :
- Premièrement, l’action publique manque de cohérence en raison de l’absence d’un cadre de référence et d’un pilotage fort.
- Deuxièmement, les normes et outils actuels sont souvent inadéquats pour les besoins des acteurs de terrain.
Défis d’Adaptation dans le secteur du Logement
Selon le rapport, les stratégies d’adaptation au changement climatique dans le secteur du logement sont actuellement insuffisantes. Les politiques sont principalement concentrées sur l’atténuation, notamment la réduction de la consommation énergétique et des émissions de gaz à effet de serre. Peu de mesures sont mises en place pour répondre aux risques spécifiques tels que les pics de chaleur, le retrait-gonflement des sols argileux, ou encore l’augmentation du risque d’inondations.
Le rapport pointe un manque crucial de données techniques et d’objectifs clairs, rendant impossible le chiffrage des coûts d’adaptation du parc résidentiel existant. Il souligne l’urgence pour le gouvernement de faire de l’adaptation des logements une priorité, appelant à une amélioration de la faisabilité technique et de la soutenabilité financière des mesures d’adaptation.
Lacunes dans la gestion des risques climatiques sur les côtes et en ville.
Les risques liés au changement climatique sur les côtes françaises sont particulièrement sous-estimés, sans anticipation ni stratégies claires pour y faire face. Les mesures d’adaptation, comme la végétalisation, bien qu’utiles, sont insuffisantes pour répondre aux défis complexes posés par le changement climatique. La diversification des solutions est nécessaire mais tardive, et les dépenses engagées restent limitées.
Les diagnostics de vulnérabilité sont souvent incomplets et datés.
Les stratégies d’adaptation sont hétérogènes et ne parviennent pas toujours à identifier les trajectoires d’adaptation appropriées. Il existe une articulation déficiente des stratégies d’adaptation aux niveaux national et local, ce qui complique la mise en œuvre de réponses efficaces et coordonnées face aux impacts climatiques.
Limites de la rénovation énergétique face au changement climatique.
La rénovation énergétique, bien que cruciale pour réduire les émissions de gaz à effet de serre, ne suffit pas à adapter les logements aux réalités du changement climatique (CC). Le coût prospectif de l’adaptation des logements est actuellement difficile à évaluer, entravant ainsi la mise en œuvre de mesures adaptées à grande échelle. La critique principale porte sur le fait que des initiatives telles que MaPrimeRenov répondent insuffisamment aux risques de pics de chaleur, notamment parce que seuls les logements d’outre-mer sont actuellement éligibles pour financer des travaux spécifiquement conçus pour contrer la chaleur. Des travaux sont en cours pour l’intégration des protections solaires au dispositif.
Intégration de normes d’adaptation dans les nouvelles constructions.
La réglementation environnementale RE 2020 commence à intégrer des considérations de confort d’été dans les logements neufs, marquant un progrès notable. En outre, des règles de construction spécifiques sont développées pour faire face au risque de retrait-gonflement des sols argileux, un problème qui s’intensifie avec les variations climatiques. Cependant, bien que le risque d’inondation soit pris en compte dans les documents d’urbanisme, il reste largement absent du code de la construction. Ce décalage souligne la nécessité de réformes plus profondes pour que les stratégies d’adaptation soient véritablement intégrées dans tous les aspects de la planification et de la construction immobilière.
Rôle des collectivités territoriales dans l’adaptation du secteur Immobilier.
Les initiatives menées par les collectivités territoriales démontrent clairement l’intérêt d’une approche globale de l’adaptation. Ces opérations montrent que des efforts coordonnés à l’échelle locale peuvent produire des résultats significatifs, particulièrement dans la manière de rendre les infrastructures existantes plus résilientes aux effets du CC. Ces expériences locales pourraient servir de modèle pour une stratégie d’adaptation plus large, soulignant l’importance d’une collaboration étroite entre les différents niveaux de gouvernement et le secteur privé.
Dans un contexte où la France pourrait connaître un réchauffement de +4°C, le secteur immobilier est appelé à opérer des changements majeurs tant dans la construction de nouveaux bâtiments que dans la rénovation des bâtiments existants. Pour faire face à ces défis climatiques, il est impératif de repenser les politiques actuelles afin qu’elles intègrent de manière cohérente et systématique les risques liés au climat dans le développement urbain et résidentiel. Cela nécessite une révision des standards de construction actuels et un engagement politique accru pour adopter et appliquer des normes qui favorisent des solutions d’adaptation à la fois durables et efficaces. La capacité à anticiper et à répondre aux conditions climatiques futures sera déterminante pour la résilience et la viabilité à long terme du secteur immobilier.
Les nouvelles constructions doivent non seulement être écoénergétiques mais aussi conçues pour résister aux événements climatiques extrêmes tels que les vagues de chaleur et les inondations. Par ailleurs, la planification urbaine doit évoluer pour intégrer des infrastructures adaptées à ces risques accrus, garantissant ainsi la sécurité, la durabilité et la qualité de vie dans les zones densément peuplées et les régions particulièrement vulnérables. Ces ajustements sont essentiels pour préparer les villes et les communautés à vivre dans un environnement où les conditions climatiques extrêmes deviennent la norme plutôt que l’exception.
En conclusion, l’année 2023 a marqué un tournant décisif dans la politique environnementale française, avec un recentrage nécessaire sur l’adaptation au changement climatique. Comme le souligne la récente prise de conscience gouvernementale et les divers rapports publiés, il est impératif de reconnaître que l’adaptation ne signifie pas un renoncement à l’ambition climatique, mais plutôt une extension de celle-ci pour faire face à des réalités climatiques inévitables.
La nécessité d’une double approche, combinant atténuation et adaptation, est désormais claire. Elle requiert non seulement un engagement politique renforcé. Les défis liés à l’adaptation, notamment en termes de coûts et de mise en œuvre, soulignent l’urgence de développer des politiques publiques cohérentes et soutenues par des cadres de référence et des pilotages forts.
Alors que nous nous dirigeons vers un futur incertain, la prévision et la préparation seront nos meilleurs alliés. Il est crucial de reconnaître que s’adapter au changement climatique n’est pas simplement une option, mais une nécessité impérieuse pour assurer la sécurité et la prospérité des générations futures. La politique d’adaptation doit être vue comme une composante intégrale de notre réponse au changement climatique, aussi importante que les efforts d’atténuation.
Rédaction : Cristhian Molina, Chef de projets : cristhian.molina@o-immobilierdurable.fr