Les acteurs de l’immobilier face à la résilience du secteur – Retour sur la table ronde du 28 avril

« Cette crise je ne l’ai pas vue venir alors que je l’avais prédite », c’est en citant Pablo Servigne que Loïs Moulas, Directeur Général de l’OID a introduit cet échange sur la résilience du secteur de l’immobilier face à la crise du Covid-19 et au besoin de s’adapter pour faire face aux défis actuels et futurs du XXIème siècle.

Animée par Loïs Moulas, Directeur Général de l’OID la table ronde qui s’est tenue le 28 avril 2020 portait sur la résilience du secteur de l’immobilier. Elle avait lieu dans le cadre d’une conférence plus large dans laquelle étaient présentés l’outil Bat-ADAPT – la plateforme cartographique de l’OID qui représente les risques des bâtiments face au changement climatique – et les études Low-tech pilotées par l’OID et réalisées par des étudiants de Sciences Po Paris et La Sorbonne.
Les événements de ce début d’année ont été marqués par la vitesse à laquelle ils sont survenus. Un tour de table a permis de revenir sur la manière dont les acteurs de l’immobilier invités à la table ronde ont affronté cette crise majeure ainsi que sur les apprentissages résultants de cette dernière. Car la résilience des acteurs de l’immobilier prend aussi cet aspect en compte.


Pour Benjamin Ficquet, Directeur Property and Exploitation Responsable chez ICADE, le confinement a été un « révélateur de la digitalisation des entreprises ». En effet, après la phase de sidération puis de mise en sécurité de l’ensemble des chantiers en cours les 15 premiers jours, il y a eu une accélération des activités sur le mode collaboratif grâce aux outils en ligne. Concernant la gouvernance de l’entreprise relative au Covid-19, la priorité a été mise sur la préservation des TPE qui travaillent avec ICADE et représentent un socle fragile mais néanmoins nécessaire. D’un point de vue plus personnel, cette crise aura permis de prendre conscience du tissu micro-local du quartier, élément intégrant de la résilience.
Maintenant, la reprise de l’activité doit être un véritable rebond, en intégrant la sécurité au cœur du plan de reprise.

 

Philippe Bihouix, en tant que Directeur général Adjoint de AREP, explique que l’antenne chinoise de son groupe a été confrontée dès janvier à la crise sanitaire, ce qui a conduit assez tôt à la mise en place d’une cellule de crise. L’adaptation à la situation a reposé sur le recours systématique au télétravail, permettant de continuer une grande partie de l’activité sur la base d’études en cours. S’il est trop tôt pour tirer des conclusions, il est certain que la crise sanitaire va modifier profondément certaines pratiques, comme sur la question des déplacements et du télétravail, peut-être aussi donner un coup d’accélérateur à la digitalisation de l’école. Elle pose aussi la question des libertés publiques et de l’usage des données récoltées.

 

Pour Maxime Lanquetuit, Directeur innovation chez ALTAREA, dont l’activité principale est la promotion immobilière, la crise a eu un impact fort sur les activités du Groupe.  Afin de poursuivre l’activité, une organisation en télétravail a été mise en place reposant sur l’utilisation généralisée des outils digitaux (tablettes, téléphones, téléconférences, accès à distance des systèmes et outils, recours à la signature digitalisée…) avec une coordination managériale renforcée. Cependant, cette crise pose de multiples questionnements et réintroduit l’humilité nécessaire à l’abordage de tant d’incertitudes que ce soit au niveau du corps de métier ou au niveau de la vision de la ville, mouvante et vouée à structurellement changer. De quoi sera fait le monde de demain dans la gestion d’actifs immobiliers ? C’est une question centrale pour les acteurs de l’immobilier qui s’inscrit dans la démarche de résilience vouée à être récurrente dans un futur proche.

 

Stéphane Chevrier, Sociologue chez MANA, explique que cette situation de crise est pour les sociologues une situation d’étude durant laquelle il est intéressant d’observer le fonctionnement de nos sociétés. Cette période a mis en avant notre besoin d’une double connexion. Une connexion numérique qui nous permet de rester en lien avec les autres via les réseaux sociaux, les plateformes d’échange et de travail collaboratif… Et une connexion avec notre milieu, avec nos environnements sensibles, avec les autres êtres vivants (oiseaux…). La qualité d’un lieu se mesure à la possibilité qu’il offre, d’être doublement connecté, de nous connecter et de nous connecter pour être en prise ou en déprise avec ces réseaux et ces milieux. Ainsi la recherche de plus de connectivité ne s’oppose pas à la recherche de plus de nature. Pour le dire autrement, la fibre optique ne s’oppose pas à la fibre végétale. C’est avec ces fibres de nature différente que nous pourrons inventer de nouveaux lieux et tisser de nouvelles formes de relations avec les autres humains et non-humains.

 

Adrien Sanchez, Responsable des corps d’état secondaires – Bouygues Bâtiment Ile-de-France, explique que les chantiers sont le corps de métier principal de son activité et, bien que le télétravail n’ait pas engendré de perte de productivité, c’est l’incertitude de la période qui a été la chose plus compliquée à gérer. En effet, le secteur de la construction est « un système interdépendant entre plein d’acteurs » et la sécurité en est la valeur primordiale. En faisant écho à Stéphane Chevrier, Adrien Sanchez explique que la réflexion quant à l’existence et aux certitudes que nous avons aujourd’hui est rendue nécessaire par le contexte. Nous vivons dans un monde assuranciel qui ne pousse pas à la prise de risque que représente un changement de paradigme. Cependant, c’est justement la clé du Low-tech, reconsidérer l’existant et le rassurant que représente le High-tech. Cette reconsidération est nécessaire et implique de penser le monde différemment, de manière innovante.

 

Philippe Bihouix qui intervient aussi en tant qu’expert sur la question des low-tech, auteur de L’âge des low tech : Vers une civilisation techniquement soutenable, explique que l’adaptation devra se faire à toutes les échelles, du bâtiment, du quartier, de la ville, et ce à tous les niveaux, que ce soit économique, alimentaire, sanitaire ou environnemental. Cette adaptation doit faire face non seulement au changement climatique mais aussi à un monde plus incertain en y intégrant une adaptabilité des lieux aux évolutions  économiques et sociales qui ne manqueront pas d’advenir, et surtout la nécessaire sobriété : « La ville low-tech est d’abord la ville qui construit moins, qui utilise, améliore et embellit l’existant ».

Loïs Moulas conclut cette table ronde en rappelant « l’urgence de rester humble » ainsi que le besoin vital de rendre les territoires résilients.

A bon entendeur salut !

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